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L’impact du véhicule autonome sur les compétences et la formation en Transport Routier de Marchandises

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Quelles sont les évolutions d’une automatisation croissante des véhicules industriels ? Le cluster CARA (European Cluster for Mobility Solutions) représenté par la FNTR en partenariat avec l’AFT, AFTRAL, l’IFSTTAR a étudié l’impact des véhicules autonomes sur l’emploi, les compétences, la formation et les évolutions sociales en fonction des différents degrés d’automatisation. Les premières conclusions de leurs travaux ont été compilées dans un rapport qui a été remis par la FNTR à Anne-Marie Idrac, Haute Responsable pour la stratégie nationale de développement des véhicules autonomes, à l’occasion du salon Solutrans de novembre 2019.

L'impact sur les métiers de la conduite

Les trois grands cas d’usages du véhicule automatisé sont en circuit fermé (ports, mines, carrières, zones logistiques), en logistique urbaine ou en interurbain et en convoi sur autoroutes (platooning). Les niveaux d’automatisation retenus pour l’étude sont les niveaux 4 et 5 (référentiel SAE), les seuls niveaux où le conducteur est dispensé de phase de conduite. L’automatisation de niveau 5 va engendrer de grandes transformations et une profonde mutation du modèle économique avec de nombreuses inconnues. Au-delà des difficultés techniques liées à son déploiement (entre 10 et 50 ans selon les scénarios envisagés), les questions juridiques, morales et assurantielles que sa mise en place entraîne seront étudiées et des solutions très concrètes devront être apportées pour que ce bouleversement soit accepté par la société.

L’étude s’attache à identifier les métiers existants du Transport-Logistique qui subiront un impact de l’automatisation de la conduite et son degré d’importance sur l’emploi, les compétences, les besoins en formation et les évolutions sociales et réglementaires à prévoir au niveau national et européen. Dans un contexte hautement concurrentiel, les bénéfices technologiques devront permettre à toutes les entreprises du secteur de maintenir un haut niveau d’exigence dans leur responsabilité sociale et environnementale. Celle-ci devra être redéfinie et un juste équilibre avec la libre concurrence devra être garanti par l’adaptation de la réglementation européenne. Le champ d’action de l’étude s’arrête au secteur, mais l’introduction de la conduite autonome touchera également les secteurs du bâtiment, des travaux publics, du commerce ou de la grande distribution.

Pour rappel, le secteur ​du transport routier emploie plus de ​700 000 salariés, dont ​350 000 conducteurs routiers dans le transport de marchandises (principalement courte distance et régional) avec une progression des effectifs. Enfin, la flotte de véhicules industriels appartient d’une part aux entreprises en compte-propre et d’autre part en compte pour autrui.

Les 4 grandes catégories de métiers dans les entreprises de transport mais aussi chez les chargeurs et les donneurs d’ordres (conducteur-rice, exploitant-e, manutentionnaire/agent-e de quai ou commercial-e) seront touchées à des degrés divers par l’introduction du véhicule autonome.

Les conducteurs routiers actuels sont déjà confrontés aux nouvelles technologies d’aides à la conduite. Ils ne semblent pas hostiles à cette évolution qui apporte des bénéfices en termes de confort et de sécurité, mais leurs craintes sont liées à l’adaptation de l’humain à la machine et leurs attentes concernent principalement la sécurisation juridique et l’adaptation des infrastructures. Les professionnels ne comptent pas sur l’automatisation des camions pour résoudre le phénomène de pénurie de conducteurs observé depuis quelques temps en Europe et à travers le monde. En effet, les thèses selon lesquelles le métier de conducteur routier va disparaître accentuent la difficulté de recrutement et la tension sur l’emploi, alors que les évolutions technologiques font tout l’intérêt du secteur sur les moyen et long termes. Les phases de transition entre les « anciennes générations » et les « nouvelles générations » ne devront créer ni fracture générationnelle, ni manque de main d’œuvre ou d’attractivité du secteur. Pour cela, l’apparition, la disparition et le transfert de certaines compétences devront être identifiés en amont pour accompagner au plus près les évolutions du marché de l’emploi.

L'impact sur les compétences et les contenus pédagogiques

L’étude a analysé en parallèle les compétences de base acquises en formation initiale ou continue (FIMO/FCO et Titres Professionnels) et les impacts de l’automatisation de la conduite qui s’avèrent très différents entre les niveaux 4 et 5.

  • Pour le niveau 4, la plupart des compétences resteront identiques ou demanderont seulement une adaptation (en fonction de l’évolution technologique, réglementaire, du taux et de la vitesse de pénétration) sans que le besoin de compétences et de formation ne soit remis en cause.
  • Pour le niveau 5, il s’agirait soit de changer de métier car la plupart des compétences n’auraient plus lieu d’être et seraient transférées vers d’autres métiers déjà existants, soit de créer un nouveau métier tel que gestionnaire à distance de véhicules de fret automatisés. Le modèle de l’entreprise de transport qui possède ses véhicules et emploie des conducteurs, risque d’évoluer fortement lui aussi.

L’automatisation de la conduite n’est pas la seule évolution technologique qui bouleverserait le secteur, il y aurait également la maintenance prédictive, l’automatisation et la robotisation des entrepôts, l’utilisation des exosquelettes ou objets connectés, la dématérialisation des documents, etc.

Du côté de la formation, l’environnement pédagogique devra s’adapter pour préparer au mieux les futurs conducteurs. La veille technologique sera indispensable aux organismes de formation et au système éducatif pour ne pas se laisser dépasser et les programmes pédagogiques de conduite routière, ainsi que tous ceux en lien avec une prestation de transport devront être adaptés.

La conclusion du rapport montre que l’évaluation de l’impact du véhicule industriel automatisé sur l’emploi dans le secteur du transport routier de marchandises est complexe, d’autant que personne ne connaît réellement les différents niveaux d’automatisation qui seront atteints.

Cette réflexion doit être menée dès aujourd’hui et sur le long terme au fil des évolutions technologiques par tous les acteurs de la filière, et coordonnée par les états. Un cadre technique, réglementaire et fiscal sera nécessaire et la possible disruption des modèles économiques du secteur ne devra pas pour autant générer de fracture sociale et générationnelle. Enfin, l’appropriation des nouvelles technologies par les conducteurs doit être perçue comme un avantage social, une sécurité de l’emploi et une montée en compétences.

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