Environnement et Développement Durable, Logistique, Transport

ZFE, contraintes et impact

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Les Zones à Faible Emissions (ZFE) ont été adoptées en 2021 mais déjà leur mise en place tarde à se concrétiser pour celles qui étaient identifiées comme "agglomérations prioritaires", tandis que d'autres font face à de nombreuses critiques par différents acteurs économiques, pas forcément les professionnels concernés d'ailleurs. Quel est l'impact pour les transporteurs et logisticiens et comment s'organisent-ils pour faire face à cette règlementation ?

      1. Contexte

Les ZFE, ou Zones à Faibles Emissions, sont une mesure visant à établir des voies routières où la circulation des véhicules les plus polluants est restreinte de manière pérenne. Des modalités spécifiques sont définies par les collectivités afin de réduire les émissions de polluants atmosphériques et d’améliorer la qualité de l’air et la qualité de vie de leurs citoyens.  L’objectif est ainsi d’accélérer la transition de tous les acteurs de la mobilité vers des modes de transport plus durables et lutter contre la pollution de l’air.

Les ZFE s’appuient en particulier sur les vignettes Crit’Air, liées à la date de mise en circulation des véhicules ainsi que leur motorisation. Avec l’adoption de la loi Climat et Résilience en 2021, les 10 plus grandes agglomérations françaises se doivent de mettre en place des ZFE. Il est prévu que cela soit le cas également dès lors que l’agglomération représente plus de 150 000 habitants, soit 43 en France, d’ici la fin de l’année 2025.

Un document d’accompagnement pour les collectivités a été mis en place, mais qu’en est-il des conséquences pour les professionnels du transport et de la logistique ? Nous vous proposons un petit tour d’horizon des analyses faites par le secteur et de l’impact de ces nouvelles contraintes sur les opérations.

 

      2. Synthèse AFT

L’arrivée d’une nouvelle règlementation sur les restrictions de mobilité, notamment pour les acteurs du transport routier de marchandises, vient s’ajouter à d’autres problématiques qui tendent à s’installer. Les professionnels du secteur font face à une pénurie de personnels (notamment conduite et opérateurs logistiques) ainsi qu’une flambée des coûts de l’énergie, parmi lesquels le carburant. Pour les organisations professionnelles du transport donc, la loi d’orientation des mobilités de 2019, malgré tout son sens au vu des enjeux climatiques, suscite de nombreuses inquiétudes.

En effet, les transporteurs ont d’ores et déjà planifié une conversion progressive de leur parc, à de nouvelles énergies voire technologies. Mais ils font face à différents constats particulièrement problématiques pour s’aligner derrière cette nouvelle règlementation :

  • L’offre actuelles des constructeurs industriels de véhicules « zéro émissions » est insuffisante pour couvrir les besoins des professionnels,
  • Les entreprises sont prêtes à expérimenter, différentes technologies ou énergies, mais ont besoin de davantage de temps pour adapter leurs contraintes et organisation de l’exploitation des transports.

Sans compter que les capacités d’adaptation ne sont pas exactement les mêmes pour les plus grands groupes ou les plus petites entreprises, et l’on sait que 94% du secteur est constitué de TPE. Etant donné qu’il faut entre 4 et 15 ans pour amortir un véhicule, selon la stratégie choisie, sur un véhicule acheté ou en location longue durée, et en fonction des équipements complémentaires choisis, le remplacement simple d’un véhicule n’est pas une action simple à envisager. La conversion de motorisation, via le retrofit, est en train de se mettre en place mais n’est pas non plus une solution accessible sur tout le territoire.

Enfin, en dehors de la capacité à expérimenter et innover des acteurs du transport ou de la logistique, il ne faut pas oublier qu’ils restent fortement tributaires de la disponibilité des énergies nouvelles également. Les stations d’avitaillement sont en plein essor sur le territoire national, mais restent majoritairement d’ordre privé encore, et les délais de mise en place des aménagements nécessaires peut prendre jusqu’à 12 mois pour les autorisations administratives et installations techniques.

Heureusement pour les professionnels, des dérogations ont été prévues et aménagées, selon les collectivités. La circulation de nuit par exemple, les véhicules répondant à un intérêt général ou pour les transports en commun, des autorisations spécifiques sont en place et pourraient rallonger les délais de conversion du parc. Ainsi les activités de transport de déchets ou sous température dirigée répondent à des enjeux sanitaires notables pour lesquels l’arrêt des activités faute de véhicules adaptés risquerait de mettre en péril de nombreux acteurs économiques.

Cependant, ces aménagements semblent insuffisants au regard d’un remplacement massif des parcs, pour l’ensemble des opérations transport et ce sur toute l’Europe puisque ces évolutions règlementaires sont alignées avec les décisions de l’Union Européenne.

Pour les chargeurs et prestataires logistiques, cela implique de nombreux changements puisqu’au-delà des véhicules, il faut revoir l’organisation globale des flux.

Les ZFE repoussent vers l’extérieur des agglomérations tous les poids-lourds. Par conséquent, si le point de livraison voire de dégroupage était dans la zone nouvellement proscrite, le site logistique lui-même doit être déplacé pour permettre à ces véhicules de livrer leurs marchandises. Si cela est fait, la distance avec les points de livraison pour le dernier kilomètre augmente significativement et rallonge à la fois les tournées, leur durée de mise en œuvre et… le type de transport capable de s’y adapter !

Car en éloignant les entrepôts et plateformes logistiques, les spécialistes du « zéro émissions » tels que les cyclo logisticiens ou même des opérateurs à faibles émissions exploitant des VUL, doivent repenser leur organisation et le rendement de leurs opérations actuelles. Dans un contexte où la pénurie de personnel est déjà notable, cela risque de compliquer leur attractivité si l’articulation entre sites d’accès et organisation des tournées n’est pas suffisamment anticipée.

Il s’agit donc de décisions qui vont dans le bon sens à long terme et pour l’impact environnemental, mais posent de véritables casse-têtes aux professionnels du secteur.

 

      3. Perspectives pour la logistique

Eternels fusibles de la transformation et acteurs du changement, les experts de la logistique sont déjà en train d’étudier toutes les alternatives. Ils doivent identifier celles les plus à même de répondre aux contraintes de demain (en train de se renforcer), et se projeter le plus loin possible en termes de rentabilisation des investissements.

Les facteurs majeurs de la transformation des chaînes logistiques, dans l’ordre de difficulté croissante, semblent ainsi être les suivants :

  • Transformer son activité du dernier kilomètre
  • Faire le choix d’une transformation, partielle ou complète, de la motorisation
  • Repenser son implantation immobilière logistique

Faire le choix de passer par d’autres acteurs, ou accompagner la transition (rapide ou progressive) énergétique du parc sont ainsi les modalités opérationnelles les plus immédiates, avec un impact économique plus ou moins important. Pour ce qui est de la relocalisation des sites logistiques, il y aura non seulement l’investissement nécessaire mais les contraintes de disponibilité (objectif de zéro artificialisation nette des sols) et la réorganisation complète des plans de transport.

Sans oublier que la mutualisation ou la massification des flux restent des options très compétitives et pertinentes en matière de réduction des énergies consommées pour un déplacement de fret équivalent. S’il est plus simple de convertir des VUL aux énergies à faibles émissions, il faudrait en démultiplier le nombre à l’approche des agglomérations pour répondre aux besoins existants des consommateurs, ce qui n’est pas une réponse durable au fonctionnement de notre société.

Le volet « plaidoyer » pour une réflexion de fond qui inclue aussi la projection des logisticiens face à l’ensemble des tendances de société devrait donc perdurer, au travers des organisations professionnelles et divers médias spécialisés du secteur. La solution unique n’existe pas mais il faut accompagner cette règlementation ambitieuse face au dérèglement climatique.

Même si les aides au financement sont nombreuses quant à la transformation des parcs, les constructeurs de véhicules lourds doivent monter en puissance pour accompagner cette transformation sectorielle. Sans véhicules « faibles ou zéro émissions » sur l’activité marchandises, nous risquons de voir se déplacer de nombreux sites, pour d’autres impacts environnementaux en conséquence : occupation des sols, biodiversité ou non-optimisation des matériaux. De même, ce repositionnement risquerait de mettre en difficulté des acteurs vertueux du dernier kilomètre, faute de rendement économique ou par accroissement de la pénibilité pour les opérateurs.

Les spécialistes du fluvial ou du ferroviaire pourraient tirer avantage de cette situation pour apporter des solutions alternatives, mais ils se devront d’absorber des volumes conséquents à transvaser sur de nouveaux axes de fret. Par ailleurs, les ruptures de charge restent un enjeu majeur de coût et de délai des chaînes logistiques, qui doit être résolu pour que ces solutions alternatives deviennent plus attractives que les solutions offertes par des sites logistiques traditionnellement routiers.

 

Définitions

Retrofit : il s’agit d’une rénovation d'équipements ; le rétrofittage consiste à ajouter, modifier ou restaurer des fonctions technologiques dans des systèmes vieillissants. Il s'agit ici de remplacer une motorisation et l’énergie nécessaire d’un poids-lourd pour améliorer sa valorisation Crit’Air.

VUL : Véhicule Utilitaire Léger.

 

Sources

 

Informations annexes au site