Logistique, Mobilité, Nouvelle économie

Le modèle omnicanal est-il universel ?

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L'omnicanalité est devenue une forme de standard pour les leaders de la distribution, à l'instar des pure players du eCommerce. Pourtant, cette stratégie initiée par des considérations marketing est avant tout une "offre de service logistique" pour les clients. Comment se met-elle en place et peut-on considérer que ce modèle est applicable à tous les produits ou secteurs d'activité ?

      1. Contexte

Qu’est-ce que l’omnicanalité ?

Cette question s’impose avant d’envisager quoi que ce soit pour faire évoluer un modèle économique ou la stratégie marketing d’une marque donnée. En effet, il s’agit d’une diversification de l’expérience client autour de solutions pour lui mettre des produits et service à disposition. Tout ce qui peut servir à lui simplifier son expérience de consommateur va alors être déployé pour à la fois mettre en avant au maximum les produits que l’on souhaite lui vendre, mais lui fournir toutes les données susceptibles de l’intéresser ainsi qu’un mode de récupération qui soit sans effort par rapport à ses pratiques habituelles.

Pour les entreprises, c’est une association optimale des outils digitaux et d’un réseau de distribution physique. Il s’agit de couvrir tous les angles par lesquels le consommateur est susceptible de faire une recherche de produit, pour être présent et en avance sur la compétition. Il peut alors s’agir d’un site de marque, mais également une plateforme digitale d’un revendeur, comme cela pouvait être envisagé via un grossiste en comparaison d’une devanture spécialisée avant l’arrivée du numérique.

Mais pour déployer cette stratégie, il est nécessaire d’en comprendre les règles, l’énergie à déployer, tant dans la maîtrise des outils numériques que les coûts d’acheminement, l’organisation du réseau de distribution et bien sûr la traçabilité de tous les produits via chaque canal de mise en vente.

 

      2. Synthèse AFT

Avec l’omnicanalité, on fait évoluer la stratégie marketing à un tout autre niveau que celle connue durant les dernières décennies. Là où on essayait de convaincre le consommateur à force d’arguments et en vantant les qualités du produit, on essaie désormais de lui faciliter l’accès à ce même produit et on parle davantage « d’expérience client ». Cela signifie qu’à partir de n’importe quelle interface commerciale le client doit avoir accès à toutes les informations concernant un produit, mais également son état de stock et les modalités de récupération ou livraison.

Du point de vue client, tout ce qui se passe en arrière-plan pour faire en sorte que cela soit possible est donc totalement invisible. Le seul aspect qui compte, c’est l’accès en temps réel à des informations fiables et exhaustives.

Or, cela signifie concrètement que lorsqu’une plateforme numérique indique via téléphone portable qu’un stock du produit ‘X’ est disponible, mais qu’en parallèle plusieurs clients ont également commandé ce produit en physique depuis un magasin du centre-ville, ou via un autre site marchand sur ordinateur… l’état de stock a pris connaissance de toutes ces sorties potentielles pour alerter à la fois le client, les revendeurs et toute l’équipe logistique en charge de déplacer les produits.

            Objectif premier de l’expérience omnicanale

La satisfaction client, également objectif premier de la performance logistique, est au cœur de cette nouvelle approche marketing. En comparaison des modèles précédemment développés du multicanal ou cross-canal, cela signifie un croisement fort des systèmes d’information entre tous les acteurs mobilisés dans la mise en vente des produits. La traçabilité de tous les produits et états de stock doit être connue à chaque instant par chacun d’entre eux de façon à toujours pouvoir proposer une solution aux clients.

Cela permet aussi de redonner aux personnels de vente un rôle de conseil et d’expert technique pour appuyer les informations dont disposerait le client, et jouer davantage sur la relation humaine ou le contact que les stratégies de vente.

            Les enjeux de la mise en place

Pour que ce réseau à la fois physique et digital fonctionne, l’entreprise aux commandes doit être capable de décloisonner son réseau et partager un maximum d’information avec ses partenaires. Les systèmes d’information doivent être capables de communiquer entre facilement et rapidement, les stocks doivent être régulièrement contrôlés et chaque mouvement remonté dans les systèmes. Tandis que le risque d’erreur existe toujours, il s’agit alors de s’accorder sur les mécanismes correctifs et travailler conjointement sur des solutions alternatives lorsque ces situations se présentent.

De façon idéale, la propriété totale du réseau d’information comme celui de la distribution physique permettra donc une agilité et réactivité forte aux attentes clients. Mais il est désormais très complexe de gérer la totalité de ces flux, ainsi que disposer de toutes les technologies ou points de vente d’une stratégie omnicanale. C’est la raison pour laquelle les grandes marques doivent tout de même construire leur stratégie avec divers partenaires.

            Les clefs du succès

Pour les entreprises qui se lancent sur ce modèle, il s’agit de concilier une expérience client qui doit être irréprochable malgré un réseau de sous-traitants pour mettre les produits à disposition, et une maîtrise performante des coûts dans un environnement complexe. La connaissance des comportements de consommation est donc essentielle pour à la fois anticiper les achats à venir, prépositionner des stocks... et s’associer à des partenaires fiables et de qualité, notamment sur le dernier kilomètre.

Une stratégie particulièrement efficace pour avoir connu un succès exponentiel et quasi planétaire en quelques années est le service de garantie client de la marque au sourire, qui rembourse quasi systématiquement les clients sans questionner les raisons ou la problématique produit, avant de traiter le problème un fois le produit retourné auprès de ses partenaires et d’étudier la suite : vigilance sur le profil client ou sur la qualité de service du prestataire.

Pour se permettre une telle stratégie, il s’agit donc de maîtriser l’information à tout instant, via les outils de la digitalisation qui permettent aujourd’hui de faire communiquer instantanément entre eux tous les outils des acteurs de la Supply Chain. Il faut également avoir connaissance de l’ensemble des coûts afférents à chaque mode de distribution, chaque point de vente, ainsi que les frais de transfert des produits d’un point à un autre, ou de récupération pour les retours (invendus, casse, etc).

 

      3. Perspectives pour la logistique

Comme pour les évolutions des modèles de distribution précédents, c’est aux acteurs de la logistique qu’il incombe d’optimiser toujours davantage tous les coûts de déplacement physique des produits. La maîtrise du stock devient alors prépondérante et prend une valeur stratégique aux côtés des ambitions marketing.

En effet, grâce à l’accumulation croissante des données, tant pour les comportements de consommation que les choix d’un canal pour acquérir le produit par les clients, il est désormais possible d’ajuster la valeur d’un produit, donc sa marge, en fonction de l’effort financier qu’il est possible de faire pour rester « rentable ». Le croisement de toutes les données connues permet alors de réaliser des opérations de remise ciblées sur certains points de vente, via des partenaires en parfaite maîtrise de leurs coûts, etc.

Il faut envisager un investissement important sur tous les équipements et systèmes d’information qui vont renforcer la traçabilité. Les erreurs ont un impact fort sur les coûts de gestion et donc la marge réalisée. La démultiplication des canaux implique qu’il faut éviter de perturber des flux déjà complexes, pour prévenir un effet domino de confusion auprès des partenaires, des déplacements inutiles, une perte de temps, etc.

Avec l’essor des nouvelles technologies, des partenaires se sont spécialisés sur différents segment de la distribution du dernier kilomètre et les outils des acteurs de la chaîne d’approvisionnement sont de plus en plus interconnectés. Toute entreprise qui se lance dans l’omnicanalité doit ainsi s’assurer de la compatibilité de ses outils avec ceux de ses partenaires, s’intéresser aux spécialistes de chaque canal de distribution et vérifier avec chacun d’eux les modalités de mise à disposition des produits, notamment le coût.

A ce stade il semble difficile d’identifier si un stock minimum ou un volume de vente seuil soit nécessaire à atteindre pour indiquer si la stratégie omnicanale est rentable.

Il ne faut pas oublier toute la préparation des commandes, poste de charge le plus important des opérations logistiques.

Il sera préférable d’en étudier la pertinence sous l’angle de l’expérience utilisateur et notamment son comportement de consommation. Mais le coût initial à investir dans les outils informatiques, de traçabilité et d’interfaçage avec les partenaires de la Supply Chain devrait déjà fixer à lui seul un seuil à partir duquel il devient potentiellement intéressant de travailler sur de l’omnicanal.

En revanche, ce modèle n’est pas exempt d’une réflexion de fond sur l’impact environnemental des flux logistiques. Le choix de partenaires notamment doit entrer en ligne de compte, en complément de la capacité à partager des informations en temps réel. Il faut également avoir la possibilité d’appréhender les flux dans leur globalité, pour éviter que les acteurs du dernier kilomètre ne puissent optimiser eux-mêmes leurs tournées, faute de volume suffisant ou de conditions de distribution contre-productive (ex. : imposer des délais sous 48h, qui restreint les possibilités de consolidation)…

Les interactions entre tous les acteurs logistiques sont désormais possibles et facilitées, il ne tient plus qu’à chacun d’eux d’apprendre à se connaître pour proposer des solutions combinées et durables aux acteurs de l’économie.

 

Définitions

Multicanal : approche marketing qui consiste à communiquer et à vendre sur plusieurs canaux interactifs distincts. La digitalisation décuple les possibilités de mise en vente, et l'entreprise dispose de plusieurs points de contact pour le client, chacun avec son autonomie de fonctionnement.

Cross-canal : stratégie de distribution qui utilise plusieurs canaux de façon complémentaires (sur la base de stocks communs, ou pour se fournir l’un l’autre d’informations client, etc) et non pas de manière indépendantes comme le multicanal.

 

Sources

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