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Tendances de la logistique post-covid

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Suite à une crise épidémique qui a impacté l'économie mondiale et l'organisation des systèmes logistiques; quelles sont les leçons tirées par les acteurs de la Supply Chain ? Quelle tendances se dessinent et comment rebondir pour relancer les activités tout en se préparant aux prochaines crises potentielles, comme peut l'être une guerre entre pays producteurs, un blocage portuaire, etc. ?

      I. Contexte

Depuis plus de deux ans déjà, le monde est confronté à une crise épidémique qui a affecté non seulement les capacités sanitaires de tous les continents, mais également l’ensemble de l’économie mondiale. Les Supply Chain ont dû s’adapter rapidement à l’effondrement plus ou moins important des acteurs économiques, selon leur secteur d’activité et leur couverture géographique. Tous les acteurs de ces Supply Chain, qu’ils soient logisticiens, transporteurs, chargeurs, ont cherché des solutions alternatives à leurs activités courantes, dans un environnement qui a tout d’abord réduit les options et les partenaires potentiels.

Avec le déconfinement progressif, avec des modalités variables, des pays dans le monde, les acteurs logistiques ont commencé à proposer de nouvelles solutions. Celles-ci ne se sont pas simplement calées sur l’ancien modèle, pré-crise, mais une hybridation qui tient compte de l’évolution des comportements et le fort développement d’outils pendant la crise, notamment numériques.

Plusieurs articles et publications, au sein de la communauté internationale, tentent ainsi de détecter les grandes tendances des Supply Chain et les pistes technologiques à identifier. Pour les dirigeants d’entreprise, sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, ce sont des indications à ne pas manquer pour investir et préserver une compétitivité et des parts de marché qui pourraient être fortement redistribuées.

 

      II. Synthèse AFT

Les études recensées et synthétisées ici abordent la période post-covid sous deux angles principaux : le constat d’un besoin de redresser une économie qui s’est fortement fragilisée et une opportunité unique de transition pour l’avenir. En effet, non seulement les restrictions de déplacement et de travail ont fortement affecté les capacités des entreprises, tous secteurs confondus (certains étant beaucoup plus touchés que d’autres), mais les comportements de consommation ont aussi changé.

Avec le premier angle, le constat est que notre société s’est très fortement étendue et l’internationalisation est aussi une forme de fragilisation des Supply Chain. La durabilité[1] de ces dernières doit être renforcée pour ne plus dépendre d’une logique de « coût » mais aussi d’une garantie de service et donc de mise en vente des produits. Les réflexions se tournent alors vers une lecture macro-économique des marchés, sur ce qui a dysfonctionné pendant la crise et une révision des partenariats existants.

Se reconstruire autour d’une vision d’avenir est le deuxième angle, qui implique d’avoir tenu compte de tous les constats majeurs de cette période unique : impact sur l’environnement, évolution du mode de vie et de consommation, fort développement des technologies numériques. Les attentes des consommateurs sont croissantes, pour avoir dans le même temps plus de service, de meilleure qualité, et une empreinte durable et protectrice pour la planète.

Avec ces deux approches, les entreprises doivent se repenser pour optimiser leur rendement rapidement et se « re- » positionner sur un marché qui a évolué en très peu de temps. Il est donc nécessaire d’investir doublement : relancer les capacités de l’industrie actuelle, retrouver des employés qualifiés, mais aussi sélectionner parmi les nouvelles technologies et pratiques, celles qui en étant plus vertueuses permettront de maîtriser l’impact sur le long terme.

On distingue déjà de grandes tendances internationales pour les marchés qui est l’intra-régionalisation : plutôt que l’internationalisation où les flux de produits circulaient en quantités importantes de par le monde, il semble se dessiner une tendance où ces flux vont se concentrer sur différentes régions du monde (par continents) et générer ensuite des macro-flux inter-régions pour continuer de satisfaire certains échanges économiques, sur des axes plus ciblés.

Cela devrait notamment relancer de nombreuses productions nationales qui s’étaient délocalisées et imposer une nouvelle cartographie des flux pour les différentes Supply Chain qui se confrontent à cette situation. Cette phase institutionnelle de reconstruction post-crise se déroule avec le monde politique, qui se doit d’accompagner le secteur privé en termes d’opportunités et de garanties à l’implantation. L’endettement national important est un signe majeur que cette période est bien engagée et que le problème est pris au sérieux par la communauté internationale, tout en préservant les relations inter-nations malgré la tendance à la nationalisation.

Pour ce qui est des alternatives de pratiques et de services pour un meilleur impact global des activités, les nouvelles technologies ont apporté un grand nombre de propositions, pour tous types de besoins, à commencer par le numérique. La période très particulière qui s’est imposée au secteur privé a notamment permis à beaucoup d’acteurs de prendre du recul, tester et investir dans certaines d’entre elles, là où ils ne trouvaient pas forcément le temps de le faire jusqu’à présent.

Cette période de rupture est une opportunité de tournant significative pour l’évolution des systèmes, et permet de repenser des pratiques, d’optimiser certaines activités pour à l’inverse remettre de la valeur sur d’autres (repositionnement de stocks de sécurité régionaux, back-up fournisseur, etc.). Pour ceux qui le peuvent, car la crise a forcément affecté les capacités de trésorerie, l’investissement additionnel dans de nouveaux équipements sera décisif pour l’avenir, que ce soit dans la satisfaction client, l’image de marque ou l’empreinte environnementale.

Et même si cela peut être considéré comme tardif, il se pourrait que l’environnement soit le grand vainqueur de cette sortie de crise, puisque contrairement aux crises précédentes, beaucoup de pays investissent cette fois lourdement dans un plan environnemental et la mise en place d’actions concrètes. Les politiques fixent des dates concrètes de transition énergétique, de neutralité carbone et valorisent les bénéfices reconnus de la durabilité pour notre société. Il tient maintenant aux secteurs industriels concernés de produire les équipements et véhicules de demain avec suffisamment de célérité et qualité pour les mettre à disposition de tous les autres secteurs.

 

      III. Perspectives pour la logistique

Pour les acteurs logistiques, tous ces éléments se déclinent en une série d’actions concrètes, de changement et d’investissements à réaliser pour miser sur les années à venir. Il s’agit toujours de viser la satisfaction client, et d’utiliser les nouveaux outils disponibles pour le faire. Cela représente des investissements lourds, un temps de déploiement aussi, mais le secteur ressort de la période de crise avec une nouvelle identité et la reconnaissance de son rôle essentiel dans les rouages de notre économie.

Parmi les conséquences de la crise, qui se sont fortement accélérées ou vont nécessiter aux acteurs logistiques d’adapter leurs systèmes en place, on retrouve :

1. La multiplication des canaux de vente

C’est un constat ; même les artisans et petits commerces ont dû s’adapter à de nouvelles formes de vente de leurs produits et services. Près de deux tiers des consommateurs auraient essayé de nouvelles façons de consommer selon une étude de McKinsey, dans 13 nations majeures[2]. Cela signifie une nouvelle façon de livrer les produits et des réflexions autour de la rationalisation des flux. Le principal segment concerné est le dernier kilomètre, l’environnement urbain, et les logisticiens devront alors se coordonner avec politiques, associations et autres acteurs de cet écosystème. La densité croissante des grandes agglomérations amorce plusieurs projets autour de nouvelles pratiques (ex. : dark stores ou kitchen) ainsi que d’équipements et immobiliers (ex. : entrepôts modulaires urbains).

Il est probable aussi que tout ce qui avait été reporté ou non applicable jusqu’à présent en matière de mutualisation, soit remis au goût du jour pour une meilleure collaboration interacteurs.

2. Sécurisation des flux

Les grandes tendances des deux dernières décennies étaient au flux tendu et la suppression des stocks, avec les coûts de gestion qu’ils génèrent. Avec le temps que va prendre la relocalisation de certains secteurs industriels, agroalimentaires ou médicaux, il va falloir reconstruire toute la chaîne d’approvisionnement autour de deux concepts : plus de fiabilité (qui peut inclure des partenaires en back-up ou des stocks de sécurité) et plus de rapidité (moins d’étapes et de délai entre la conception et le client final).

Il faut limiter les risques, de toute sorte. Le plus évident reste la rupture de stock ou d’approvisionnement, mais il y a également les risques sur la qualité (produits plus sains, durabilité...) et tous ceux qui vont apparaître avec les nouvelles technologies. Il faut maîtriser la qualité et circulation des informations, sécuriser les systèmes utilisés des cyberattaques, etc. C’est par la digitalisation et la modélisation des chaînes d’approvisionnement que l’accélération des prestations logistiques peut se faire, avec le renforcement de la visibilité et de la traçabilité des flux en temps quasi-réel.

3. Amélioration environnementale du service

Le plus significatif des changements attendus pour toute la chaîne logistique est une transformation en profondeur de ses opérations. Que ce soit dans la remise à plat de ses relations avec des partenaires plus locaux, le remplacement de ses véhicules avec les technologies disponibles, la réflexion autour de l’énergie et les ressources consommées… le secteur logistique doit se repenser totalement, en coordination avec les autres acteurs de la Supply Chain.

Les réflexions sont de plus en plus poussées pour limiter les conditionnements ou réfléchir à leur matériau, les nouveaux entrepôts sont construits avec un écosystème global, une alimentation souvent solaire, et la motorisation évolue pour les véhicules de transport et livraison. Les acteurs logistiques doivent être au cœur des réflexions autour de l’économie circulaire puisqu’ils en sont un maillon essentiel, comme l’a démontré la crise covid.

 

Conclusion

Ces différents articles, sur différents continents et au sein de cultures qui n’ont pas forcément les mêmes codes et règlementations, présentent non pas des solutions immédiates mais bien des pistes de réflexion qui abordent à la fois le court et le moyen/long-terme. Ils mettent en évidence une prise de conscience internationale pour une préoccupation qui jusqu’à peu était encore reléguée au second plan : les effets de la crise climatique. Tous abordent également la sortie de crise, aussi difficile soit-elle pour de nombreux secteurs, comme une opportunité de transition vers de nouvelles pratiques et un changement radical des technologies.

Les acteurs clefs des énergies fossiles ont de leur côté noué de nouveaux partenariats pour se positionner sur les énergies renouvelables et il ne manque plus qu’une mise à l’échelle des technologies « vertes » pour offrir des solutions autres que basées sur la compensation carbone.

D’ici là, le secteur logistique et transport a également gagné en reconnaissance du grand public, ce qui devrait aussi améliorer les conditions de travail et les efforts faits dans ce sens, comme la mise en place de démarches RSE, la valorisation de labels, etc. Le monde politique également a pris conscience des spécificités de ces acteurs et sont amenés à les inclure plus régulièrement dans leurs réflexions au niveau local ou régional.

 

Sources


[1] Sustainability en anglais.

[2] Cf article McKinsey

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