Logistique, Autres

La logistique pacifique en temps de guerre

Publié le

Les grands médias ont tendance à alléger la quantité d'informations qui nous parvient sur le sujet actuellement, mais la guerre en Ukraine, depuis l'entrée des forces russes sur leur territoire le 17 février 2022, est toujours en cours. Au-delà de la logistique militaire qui la sous-tend naturellement et qui accompagne tant les offensives que l'organisation des défenses, l'AFT s'est intéressée à une toute autre logistique : celle qui suit les combats et s'occupe des civils, des blessés, etc. Qu'est-ce que la Convention de Genève et est-elle toujours respectée ?

      1. Contexte

Les temps de guerre semblaient révolus pour le peuple occidental moderne, principalement européen. Tandis que les Etats-Unis s’évertuent depuis des décennies à porter un rôle de « gendarme de la planète », qui tend à s’effriter, les européens ont de leur côté développé leur volet diplomatique et réduit leurs contingents militaires. C’était sans compter sur le conflit ouvert depuis un peu plus d’un an aux portes de l’Europe avec l’entrée de troupes russes sur le sol ukrainien.

Au-delà de toute la logistique dont il est usuellement question lorsque l’on parle d’armée (approvisionnement en armes, nourritures et soutien aux troupes), il est également crucial de s’intéresser à une autre logistique. Un flux parallèle au conflit qui a toujours existé mais que la littérature rapporte finalement assez peu : celle des corps des soldats et civils tombés au combat. La Convention de Genève, ratifiée il y a très précisément 72 ans le 7 mars 1951, avait établi les conditions dans lesquelles les parties d’un conflit se doivent de respecter civils, blessés, malades ou troupes ayant déposé les armes.

Comment cela se traduit-il concrètement sur une zone de guerre ? L’AFT vous propose une courte synthèse pour vous partager les expériences de ces acteurs méconnus.

 

      2. Synthèse AFT

Le conflit de la première guerre mondiale est celui qui a ce jour a généré le plus grand nombre de morts en très peu de temps, et beaucoup de littérature pour contextualiser la manière de traiter l’ennemi pour les deux camps. En effet, même en amont de la Convention de Genève les camps adverses ont toujours eu à cœur de distinguer le conflit ouvert de cette période où les blessés et les morts étaient récupérés sur le champs de bataille.

On en trouve plusieurs références marquantes à l’époque des batailles napoléoniennes, lors de la guerre d’indépendance américaine, où en fin de journée les brancardiers et infirmiers des deux parties se dispersent pour sauver ceux qui peuvent l’être. Les modes et lieux d’inhumation sont divers et variés mais restent très importants pour les soldats et donc leurs dirigeants, s’ils souhaitent mobiliser leurs troupes. La dimension religieuse est beaucoup plus marquée à l’époque et il est important de parler de sépultures pour les morts, si possible individuelle.

Le respect des morts de l’ennemi a longtemps été un sujet important de propagande, voire de mobilisation des troupes à poursuivre le combat. Il pouvait s’agir d’une lutte au nom de principes religieux ou éthiques voire de montrer la supériorité des « valeurs » pour lesquelles les soldats s’étaient engagés. On trouve ainsi avec le développement des médias modernes de plus en plus de documents et d’images destinés à démontrer ce qui est mis en œuvre par les états-majors pour s’occuper des soldats après la bataille.

Ces communications ont autant pour cible l’ennemi que leurs propres troupes. Initialement donc, la logistique de ces corps est principalement gérée par une unité militaire spécialisée. Des accords sont alors établis avec le camps adverses afin de « s’échanger » des corps autour d’une zone neutre et non stratégique avec garanties de non-agression lors de l’opération. Aujourd’hui encore, entre troupes russes et ukrainiennes on constate à quel point le sujet est important puisque des associations locales ont été structurées de chaque côté afin de poursuivre cet échange.

Les grandes batailles de l'Histoire étaient accompagnées de codes moraux et du respect de l'ennemi.

Lorsque l’on prend de la hauteur pour se projeter dans le temps, ce type d’opération est également crucial pour le vainqueur à un conflit. Il s’agit d’une garantie de respect des parties quelle que soit la violence des opérations pour que les familles puissent honorer leurs morts. Une façon de déterminer un début et une fin pour éviter d’entretenir des rancoeurs sur plusieurs générations. Permettre la réalisation d’un hommage aux victimes c’est donner un sentiment d’apaisement aux familles car elles peuvent accompagner leurs proches vers l’au-delà selon leurs rites respectifs. L’absence de corps, de raison de la mort ou de respect des sépultures vient à l’encontre de la notion d’éternité et de nombreuses religions.

Avec le temps les services chargés de traiter les corps des morts et blessés a évolué. Lors de conflits (ou opérations armées) avec un ennemi moins traditionnel, tels que les guérillas ou non-conventionnelles, on constate par exemple que c’est aux troupes concernées de se soucier de leurs combattants, sous peine de ne pas pouvoir offrir de sépulture adaptée aux soldats tombés ou capturés.

Les guerres modernes et la diversité des armes employées, notamment envers les civils, ont généré d’autres types de blessures et décès que l’armée n’est plus en mesure de suivre correctement, que ce soit pendant ou après le conflit. Parmi les armes les plus dévastatrices et aujourd’hui interdites par la Convention de Genève : armes chimiques (ex. agent orange au Vietnam), bombes à sous-munitions et toute arme ne permettant pas la distinction entre l’ennemi armé et des populations civiles.

C’est dans cette évolution importante des conflits et du nombre de morts que la Croix Rouge a été fondée. A la fois pour garantir le principe de neutralité entre les parties impliquées dans le conflit, mais également pour le respect des personnes, quelle que soit leur race, religion, sexe, etc. Des associations locales se mettent en place, permettant alors aux civils de se mobiliser pour contribuer pacifiquement aux opérations en allant récupérer des soldats des deux camps et leur apporter les soins nécessaires.

 

      3. Evolutions des opérations pour la logistique

Comme pour toute autre logistique, celle-ci ne fait pas exception à l’accompagnement des évolutions technologiques pour être la plus efficiente possible. A l’origine, elle disposait des moyens de l’armée traditionnelle et donc de voies diplomatiques pour recenser les identités des personnes tombées au combat avant de s’échanger les victimes puis les confier aux familles de chaque côté de la ligne de front.

Avec les guerres modernes, cette zone de conflit ouvert a fortement évolué puisqu’il est désormais possible de combattre sur de nombreux terrains en même temps et parfois des territoires où la récupération des corps est impossible (pleine mer, conflit aérien, hautes montagnes, etc). La massification des conflits a généré beaucoup de suivi et la traçabilité des individus, au-delà du recensement militaire à l’époque, était relativement mauvaise. Pour retrouver un proche il fallait pour la famille se rapprocher des publications (tableaux d’affichage, journaux, bureaux de recensement) fournies par l’armée ou les associations qui se sont organisées.

Désormais les outils évoluent encore puisque lorsque c’est possible, une photo ou publication d’identité est mise à disposition via les outils numériques. Via les réseaux sociaux ou le web de manière générale, il est possible pour les familles de contacter plus rapidement les structures et personnes ayant retrouvé un proche. Il est possible de penser que dans les années à venir une puce GPS soit également mise en place dans les plaques d’identité des soldats, voire greffée sous la peau, dans l’objectif de retrouver des morts, des blessés, voire des soldats kidnappés.

Sous réserve d’un accord international similaire à la Convention de Genève, il faudra alors probablement redéfinir les contours de tels usages. Il serait dangereux de corréler ces systèmes de traçabilité à une opération de conflit (sauvetage, intervention tactique, etc), sous peine de brouiller les lignes entre conflit et respect des morts…

Définitions

Guérilla : terme emprunté à l'espagnol utilisé pour décrire des combats d'unités mobiles et flexibles pratiquant une guerre de harcèlement, d'embuscades, de coups de main menée par des unités irrégulières ou des troupes de partisans, sans ligne de front.

Guerre non-conventionnelle : signifie, au sens large, des « opérations militaires et quasi-militaires qui ne correspondent pas à la guerre conventionnelle » et peut recouvrir des armées secrètes, la subversion ou des tactiques de guérilla.

Sources

Informations annexes au site