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Autoroutes électriques : la voie de l'avenir ?

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Les nouvelles énergies de la mobilité font beaucoup parler d'elles à l'heure où les effets du dérèglement climatique sont très présents dans les médias et les consciences. Mais, il y a d'autres façons d'utiliser les énergies, notamment durables, qui pourraient intéresser le secteur Transport-Logistique, moyennant un investissement massif du gouvernement dans les années à venir. Études de faisabilité, pertinence, rendement... voici un aperçu de ces "alternatives" à un carburant durable.

      1. Contexte

Dans un environnement de crises à répétition, où l’inflation vient s’ajouter aux dangers de la démondialisation, et où la fragilité du secteur Transport-Logistique fait face à une demande toujours grandissante de service... il est urgent d’adresser le sujet du dérèglement climatique. En effet, souvent mis en retrait, derrière la priorité de la croissance économique et la pérennité de nos modèles de société, l’impact environnemental des activités humaines est devenu une préoccupation de premier plan.

Les propositions technologiques ne manquent pas et adressent divers aspects de la gestion des mobilités, qu’il s’agisse du transport routier comme des autres. Or, en dehors de l’empreinte carbone très élevée de chaque appareil sur le fret aérien, ce sont bien les 89% du transport de fret en France et la dépendance durable à ce mode de transport, qu’il est important d’adresser. Il représente à lui environ 22% des émissions de gaz à effets de serre pour le secteur des transports, pour seulement 2% des véhicules sur la route.

Parmi les idées qui émergent en termes de conversion aux nouvelles énergies, celle de l’électricité. Or, c’est une énergie difficile à transport pour un secteur d’activité dont la définition même est la mobilité. Qu’il s’agisse d’une capitalisation issu de la conversion thermique, hydraulique ou nucléaire, se pose toujours la question du stockage de l’énergie électrique pour garantir l’autonomie des véhicules. Les besoins électriques sont d’autant plus importants que le poids des véhicules est conséquent et qu’il nécessitera des batteries d’autant plus lourdes.

Se présente alors les solutions d’approvisionnement « mobile » de l’électricité, pour soulager ce problème d’avitaillement et de poids supplémentaire des camions. Mais il faut alors étudier chacune des solutions existantes et leur degré de maturité… pour un déploiement massif.

 

      2. Synthèse AFT

Si l’on évoque l’électricité mobile au service du fret routier de marchandise, on parle d’autoroutes électriques ou électrifiées (AE). Plusieurs scénarios sont actuellement à l’étude, en France comme dans le monde, avec déjà des sites identifiés pour des phases de test en conditions réelles. Il s’agit ici d’évoquer principalement comment les axes routiers, et principalement autoroutiers, pourraient évoluer pour s’adapter au trafic de marchandises, plutôt que de se focaliser seulement sur la motorisation et les choix énergétiques des industriels pour les véhicules de fret.

L’autoroute pour produire de l’énergie

En termes d’infrastructures donc, on identifie plusieurs angles de recherche et de développement. D’un côté il y aurait la réflexion consistant à utiliser les autoroutes pour « produire » de l’énergie électrique, et on y retrouve deux types de technologies :

  • La route solaire (SolarRoad), qui revient à placer des panneaux photovoltaïques au sol pour capter l’énergie solaire et la convertir en électricité.

Bien sûr, les axes concernés sont recouverts d’une couche supplémentaire de polymère et de résine pour résister au passage des véhicules mais l’entretien important que cela implique tendrait à le mettre en place sur des axes peu fréquentés.

  • La route piezo-électrique, qui transformerait l’énergie mécanique de la pression des véhicules (leur poids sur l’asphalte) en électricité, en utilisant les propriétés très particulières du quartz, qui génère de l’électricité lorsqu’il est soumis à une pression.

Pour le premier type de route, il est à l’essai depuis 2014 aux Pays Bas, avec des résultats qui semblent meilleurs que prévu et une production de 10 000 kWh en un an, pour seulement 70m de tronçon. En revanche les coûts d’investissement semblent particulièrement élevés puisqu’il n’a pas encore été mis à l’échelle du pays. Par ailleurs, il faut aussi prendre en compte l’environnement de la route : zones ombragées ou encaissées, inclinaison par rapport au soleil, accessibilité pour la maintenance, etc.

Pour le second, elle a été testée en Israël et la Californie souhaite financer deux projets pilotes prochainement. Les résultats indiquent qu’un tronçon de 15 km fortement utilisé pouvait alimenter en électricité une ville de 100 000 habitants. Là non plus les coûts d’investissement n’ont pas été communiqués à ce stade, mais semblent rester supérieurs à ceux d’une installation de centrale électrique. Quid d’une mise à l’échelle pour recouvrir tous les tronçons principaux d’Europe, et valoriser notamment le passage de poids-lourds, nettement plus efficaces pour valoriser leur poids ?

 

L’autoroute comme vecteur d’énergie pour le fret

Pour les acteurs du fret, c’est cette deuxième partie de l’analyse qui semble prometteuse pour les années à venir. Le gouvernement et en particulier le ministère de l’écologie travaille activement à l’étude de ces projets et les moyens de les financer, avec l’impact économique autant qu’environnemental pour les utilisateurs de l’AE, en particulier les professionnels du transport de marchandises.

Par défaut actuellement, les technologies les plus mises en avant et les plus faciles à déployer rapidement sans changer drastiquement nos infrastructures routières, ce sont celles de la motorisation. Elles ne concernent alors que des acteurs ciblés, n’impactent pas l’ensemble du trafic routier et réfléchissent à autonomiser les véhicules eux-mêmes, indépendamment de leur environnement. La principale limitation à l’électrification totale pour les poids lourds réside dans la nécessiter de stocker l’énergie électrique dans une batterie, en très grande quantité au vu des besoins pour déplacer un véhicule déjà très lourd.

En électrifiant l’autoroute et les axes de circulation principaux du fret de marchandises, on tourne le problème dans l’autre sens puisqu’il n’est plus nécessaire de stocker l’énergie « à bord », ce qui optimise déjà considérablement le rendement et l’utilisation de l’énergie, et on permet aussi de déporter l’investissement nécessaire sur les pouvoirs publics ainsi qu’un nombre limité d’acteurs (gestionnaires autoroutiers), pour un impact sur le plus grand nombre.

 

Mais électrifier l’autoroute, qu’est-ce que cela signifie ?

Il s’agirait à priori d’installer des caténaires, exactement comme pour les trains, mais le long des axes routiers majeurs, empruntés notamment par les poids-lourds (car une réflexion plus poussée sera nécessaire pour se caler sur toutes les dimensions de véhicules s’il fallait intégrer également les véhicules personnels). C’est alors l’énergie électrique qui prendrait le relais pour alimenter les camions, sur la motorisation thermique.

En termes d’investissement, le véhicule n’a pas besoin d’être transformé aussi lourdement que pour passer à une motorisation tout-électrique ou même hybride puisque les batteries ne seraient plus nécessaires. La camion devra être équippé d’un pantographe, pour se « connecter » à la ligne de caténaire lorsqu’il arrive sur l’axe routier le permettant.

En termes d’autonomie, c’est également une garantie de limitation des arrêts pour avitailler, puisque cela sera encore nécessaire pendant plusieurs années avec des batteries, le temps que les technologies s’améliorent en performance et durabilité.

Un projet qui semble loin d’être utopique puisque des essais ont déjà lieu en Allemagne avec 5 km d’autoroute électrifiés dans la région de Francfort. L’investissement initial reste important mais le gourvernement allemand étudie les bénéfices de mise à l’échelle de ce projet, qui indique que pour 4 000 km de caténaires couvrirait environ 60% du trafic autoroutier national. Cela diviserait par sept les émissions en carbone du fret de marchandises.

Selon l’étude de l’association Carbone4, un investissement modéré des pouvoirs publics pour ce type de projet est certes important mais reste comparativement faible par rapport à d’autres solutions de décarbonation du secteur. Ils estiment également qu’avec un coût du pétrole au-delà de 80$ / baril, les projets d’AE seraient rentables d’eux-mêmes.

 

      3. Perspectives pour la logistique

Pour les professionnels du transport, toutes ces décisions ont un impact immédiat sur leurs capacités d’investissement, leur autonomie et leur organisation du travail. Les avantages d’un tel investissement est qu’il répond à tous les acteurs du fret quelle que soit leur taille et leur volume d’activité. Même avec un investissement initial pour faire installer les pantographes et faire les modifications nécessaires sur la motorisation afin de rediriger l’énergie électrique, ils évitent ainsi :

  • Le coût d’installation des batteries
  • L’altération de l’efficacité de traction due au poids des batteries
  • La réduction de leur volume de transport due au volume des batteries

En échange de cet investissement, ils réalisent ensuite des économies importantes sur le coût de l’énergie utilisé pour se déplacer, puisque l’électricité revient actuellement moins cher que le carburant fossile et que la France a la capacité, notamment avec son parc nucléaire, de fournir de l’électricité au coût relativement modéré.

Ensuite, il y a la réflexion liée à l’organisation des opérations, puisque là encore il est possible de faire des ajustements dans l’organisation des flux de marchandises. Il est envisageable de ne pas modifier ses poids-lourds pour exploiter les AE par l’intermédiaire de navettes dédiées sur ces axes. Cela impliquerait cependant deux ruptures de charge. La différence étant que contrairement à un report modal autre, il ne s’agira que d’un changement des tractions, sur des zones préidentifiées.

Enfin, autre intérêt majeur d’une telle solution technologique si elle venait à se mettre en place : elle permet une conversion progressive vers le tout électrique de l’ensemble des acteurs du fret, puisque l’on peut alors exploiter ces axes par motorisation thermique (avec système de redirection de l’électricité sur les AE), motorisation hybrique, et même motorisation électrique à 100%.

Pour le dernier modèle en revanche, le besoin en batterie resterait alors nécessaire pour assurer une livraison sans émissions carbones sur la totalité du parcours. Une réflexion qui gagnerait donc à être coordonnées avec les constructeurs automobiles, pour gagner en temps et en efficacité sur le déploiement du parc à venir…

 

Définitions

Pantographe : appareil installé sur le toit d’une motrice électrique et qui transmet le courant de la caténaire aux organes moteurs.

Sources

Informations annexes au site