Blockchain
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Innovation, Logistique, Transport

Quelles opportunités offrent la blockchain et les smart contracts pour la supply chain ?

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Le besoin d’échange et de partage d’informations devient de plus en plus prégnant dans la supply chain, s’accentuant encore avec l’essor du e-commerce : fournisseurs comme consommateurs sont en attente d’informations fiables et en temps réel sur le suivi de leurs commandes. Cette recherche d’instantanéité dans la transmission d’informations passe nécessairement par une dématérialisation des documents liés à la commande, la livraison et le transport. Avec cette digitalisation des informations, se posent de nouvelles questions telles que les conditions permettant l’archivage de ces données, leur communication aux personnes autorisées, la sécurisation de leur accès et la protection contre les fraudes.

La blockchain est-elle la solution pour répondre à ces enjeux ? Tour d’horizon de ses applications actuelles et de ses utilisations potentielles dans la supply chain. 

 

Qu’est-ce que la Blockchain ?

La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations. Elle est transparente, fiable, sécurisée et possède l’avantage de fonctionner sans intermédiaire ni organe central de contrôle. Son principe est tout simplement de permettre à toutes les parties prenantes (qui sont connectées en réseau les unes aux autres) de partager des données sans intermédiaire, et avec un historique indélébile depuis sa création. C’est un registre qui peut être consulté par toutes les personnes y ayant accès, mais sans pouvoir modifier les valeurs précédentes. 
Chaque bloc contient une transaction ou des informations, et leur accumulation constitue la chaîne de blocs (blockchain).

Voici les principales étapes de sa constitution :
1)    La personne A effectue une transaction (avec B par exemple)
2)    La transaction est stockée dans un bloc
3)    Le bloc est validé (ou non) par certains utilisateurs du réseau (appelés nœuds du réseau) à l’aide d’un protocole informatique et d’algorithmes
4)    Si le bloc est validé, alors il est horodaté et ajouté à la chaîne de blocs à laquelle les utilisateurs ont accès
5)    Dans ce cas, B reçoit la transaction de A

Source : https://coin24.fr/dictionnaire/blockchain/

 

Et en pratique ?

Quels sont les usages les plus répandus de la blockchain ?

Une des premières utilisations de la blockchain a été le transfert d’actifs. En effet, on a d’abord commencé à utiliser la blockchain pour les transferts de titres tels que des actions, des obligations, des fonds de pensions, ou encore pour des SICAV (sociétés d'investissement permettant de placer son argent en bourse sans les contraintes de la gestion). Les premiers secteurs qui ont été impactés par la technologie blockchain sont donc la finance et l’assurance. Cette technologie est appréciée du fait de sa sécurité inégalée pour réaliser des transactions sensibles tout en gardant un historique de ce qui a été fait précédemment. C’est aussi pour ses qualités qu’elle commence à être utilisée pour des transactions de biens mobiliers et immobiliers.

L’utilisation la plus connue est la cryptomonnaie, monnaie virtuelle sans forme matérielle créée grâce à des logiciels open source (disponibles à tous de manière gratuite). Les plus connues sont le Bitcoin ou l’Ethereum. Le fait que ces monnaies informatiques soient cryptées signifie que seuls ceux qui détiennent leur code peuvent les utiliser. Elles peuvent servir à réaliser des achats, faire des virements bancaires, et sont assez souvent utilisées comme moyen de spéculation par de gros investisseurs car elles peuvent être échangées contre des euros ou des dollars. Leurs avantages sont liés au fait qu’elles ne sont pas soumises à des contrôles gouvernementaux ou bancaires, ce qui explique que les transactions soient sans frais et anonymes. Les cryptomonnaies garantissent l’anonymat des personnes qui les utilisent, et requièrent de grandes puissances de calcul pour valider les transactions entre utilisateurs. 
 

Où et comment pourra-t-on l’utiliser dans le futur ?

L’un des principaux avantages de la blockchain est qu’elle peut être adaptée à des situations très variées qui la rendent pertinente pour différents secteurs d’activité :

  • Le luxe : elle permet de lutter contre les risques de contrefaçon de plus en plus présents
  • L’industrie pharmaceutique : elle permet de lutter contre la multiplication de faux médicaments, qui peuvent s’avérer inefficaces, voire dangereux
  • La santé : stockage décentralisé complet des dossiers médicaux permettant aux patients d’accéder à leurs propres données médicales
  • La certification de documents administratifs tels que des pièces d’identité, des certificats de naissance, ou encore des diplômes : lutter contre un risque d’usurpation d’identité
  • Le Transport et la supply chain

Source : Blockchain and Supply Chain Logistics, par Nachiappan Subramanian , Atanu Chaudhuri , Yasanur Kayikci, aux éditions Palgrave Pivot

 

Où en est-on dans le Transport et la Logistique ?

L’observation de cas d’usage de la blockchain dans le domaine du Transport et de la Logistique reste rare, mais quelques expérimentations en révèlent le potentiel.

Michelin a commencé des phases de test de mise en place de la blockchain. Dans un prototype présenté à la SITL (Semaine de l’Innovation du Transport et de la Logistique) en 2019, les différents buts de ce projet étaient de vérifier si les documents concernant les pneus mis sur le marché étaient reçus dans les temps par les services qui en avaient besoin, s’il existait des manières de simplifier le processus d’acheminement de ces informations, et si ces informations pouvaient être distribuées dès lors qu’elle sont connues et enregistrées. Pour cela, les membres de ce projet ont modélisé chaque étape du processus de transformation des pneus dans la blockchain, ce qui a permis à Michelin de suivre les quantité et les localisations des marchandises, et les délais de livraison. Elle a aussi permis la production de statistiques plus rapidement sur les pneus qui ont été recyclés, détruits ou redispatchés. Source

Dans le secteur du e-commerce, le géant chinois Alibaba utilise déjà beaucoup la technologie blockchain. Par exemple, lors du black Friday de 2019, elle lui a permis de tracer 400 millions de produits transfrontaliers et de certifier l’authenticité de l’intégralité de ses produits, ce qui a facilité la gestion des fournisseurs grâce aux identités numériques des produits. Source

La marque de mode américaine Baby Ghost, a ainsi utilisé la blockchain pour sa collection printemps/été 2017, en incorporant une puce NFC ou un QR code à ses vêtements et à ses accessoires. En les scannant avec leurs smartphones, les clients ont ainsi pu accéder à l’historique du vêtement et vérifier l’authenticité de leurs achats. Source

On estime que la digitalisation du Transport maritime international via la blockchain pourrait faire économiser jusqu’à 20% de son coût total. En effet, une expédition internationale de marchandises nécessite aujourd’hui d’être inspectée par près de 30 organismes en moyenne, un processus qui repose encore largement sur des vérifications manuelles, ce qui ralentit toute la chaîne logistique.

Dans ce contexte, Maersk a débuté un programme de simplification et de sécurisation de la chaîne d’approvisionnement d’IBM, qui a donné lieu à une plateforme commerciale nommée TradeLens, permettant de sécuriser les documents à propos des colis transportés, ainsi que de donner des informations sur la position géographique des colis (en fonction du conteneur dans lequel ils se trouvent). Grâce aux blockchain utilisées, la sécurité électronique de ces documents est renforcée car il devient impossible de les modifier sans laisser de traces. De plus, le fait de connaître la position des colis en temps réel est très apprécié par les clients, raisons pour lesquelles ce programme est toujours actif aujourd’hui. Source

 

Un potentiel large

Permettre de savoir où se trouvent des palettes vides ou des colis est une application de la blockchain qui intéresse grandement la supply chain. 

Dans des secteurs industriels tels que l’aéronautique et l’automobile par exemple, la traçabilité des pièces détachées et composants, souvent complexe, pourrait ainsi être facilitée. Au passage des frontières, les douaniers n’auraient qu’à vérifier la blockchain pour disposer de tous les renseignements dont ils ont besoin sur la marchandise. En cas de dommages sur celle-ci, il serait possible de signifier des réserves à partir d’une simple photo transmise immédiatement aux acteurs de la supply chain concernés, et consignée de manière durable dans la blockchain. 

Avec l’avènement des véhicules autonomes, ce système permettrait également aux utilisateurs et aux constructeurs de gérer de manière confidentielle l’utilisation des données de conduite, et de lutter contre les fraudes dans les contrats et documents. 
L’une des utilisations qui semble la plus probable consiste enfin à supprimer les documents papiers, grâce à la traçabilité informatique de toutes les opérations, et de retrouver une erreur qui s’est produite par le passé. En revanche, si une information erronée s’est introduite dans la blockchain, elle y restera pour toujours. 

L’ouverture à des solutions de mobilité et de transport disruptives

La blockchain constitue une solution technologique qui pourrait, associée aux « smart contracts », favoriser la mise en place de solutions logistiques et de mobilité d’un genre nouveau. Un smart contract (contrat intelligent) est un protocole informatique permettant d’automatiser la conclusion d’accords. Si toutes les conditions du contrat sont remplies, il s’exécute, et les termes sont inscrits dans la blockchain, ainsi que toutes les transactions financières associées. L’exécution de smart contracts présente l’avantage de réduire drastiquement les coûts administratifs et humains liés à la réception et au traitement des commandes et des factures, à condition que les différents intervenants s’accordent sur les termes du contrat ainsi que sur les règles à respecter pour effectuer un échange ou un autre type d’opération.

Dans le domaine du transport de personnes, La`Zooz, une start-up israélienne, a développé un service de covoiturage open source et détenu par sa communauté d’utilisateurs (plateforme autogérée), qui permet aux conducteurs et aux passagers de se mettre en relation en temps réel en fonction des sièges disponibles. Smart contracts et blockchain ont rendu possible le caractère coopératif de la plateforme qui la distingue des plateformes intermédiées de type Uber. 

A l’image du covoiturage, l’utilisation de smart contracts pourrait, en lien avec une solution de recherche de fret, améliorer le taux de remplissage des véhicules de transport, en permettant l’automatisation des accords sans intermédiaire entre les transporteurs et les expéditeurs. Ces accords reposeraient sur des algorithmes prédéfinissant les conditions dans lesquelles les deux parties sont susceptibles d’accepter une commande ou un service. 
Les expéditeurs auraient connaissance des capacités de transport disponibles des véhicules ; et les transporteurs pourraient choisir les produits qu’ils ne désirent pas transporter pour des raisons de fragilité, de délais ou même de dangerosité. Le tarif des contrats sera conforme aux règles de choix et d’attribution paramétrés dans le smart contract.

Grâce à ce type de contrats, la supply chain pourrait gagner en efficacité en réduisant les délais de prise de décision. Si l’on prend l’exemple d’une œuvre d’art, l’assureur pourra utiliser un smart contract inscrit dans la blockchain pour connaître les personnes ou entreprises qui transportent le colis, et bénéficiera d’un accès (s’il en a l’autorisation) afin de connaître sa position à chaque fois que son identifiant sera scanné par un intermédiaire de la supply chain ou un douanier.Source

 

Impacts et répercussions

Gain de temps 

Les gains de temps se manifestent surtout dans le traitement des documents liés à la prestation de transport, et donc sur les délais de livraison. Avec l’intégralité des informations contenues dans la blockchain, les passages par un intermédiaire tel que la douane pourront se régler « en un clic » afin d’ajouter un bloc à la chaîne indiquant par qui, où, et à quelle date le produit a été récupéré ou contrôlé.

Visibilité et qualité

Une meilleure visibilité est majoritairement liée à la transparence de la blockchain. En effet, du fait que les clients peuvent connaître l’intégralité du parcours d’un produit, il est plus facilement possible de contrôler sa qualité et d’éviter les contrefaçons.
Cela permet aussi d’identifier les sources de pertes, de vols et de fraudes, grâces aux retours des différents acteurs sur la blockchain du produit.

Sécurité

Les données contenues dans la chaîne de blocs correspondent à un journal de bord numérique indélébile et donc infalsifiable. En outre, le cryptage des données contenues dans la chaîne empêche les personnes ne disposant pas de la clé de décryptage de cette blockchain de lire ce qu’elle contient et d’ajouter de nouveaux blocs. Source

Coûts de la blockchain 

Cette technologie peut être particulièrement énergivore, du fait des quantités de données manipulées et de la complexité des algorithmes de validation des blocs. C’est une des raisons qui pousse le gouvernement chinois à interdire de plus en plus le « minage » de Bitcoin (procédé par lequel les transactions Bitcoin sont sécurisées), qui demande de grandes puissances de calcul mathématique pour réaliser des transactions, et consomme donc de grandes quantités d’énergie. 

De plus, la blockchain est limitée par la capacité de stockage des disques sur laquelle elle sera partagée, puisqu’il existe une copie de la blockchain sur tous les ordinateurs étant intervenus sur celle-ci. Sa capacité risque d’être limitée à un plafond d’opérations, ce qui peut poser des problèmes dans le cas de millions ou de milliards de transactions devant être stockées sur plusieurs disques. 
Par ailleurs, la mise en place de la blockchain dans une entreprise a un coût. Celle-ci n’est qu’un outil qui doit être adapté aux systèmes de gestion de l’entreprise, tandis que les applicatifs de l’entreprise en lien avec les opérations logistiques doivent de leur côté être aussi adaptés en conséquence, ce qui peut très vite devenir coûteux. 

Enjeux RH 

L’un des effets de la technologie blockchain étant de supprimer les intermédiaires, certains besoins en emplois pourraient se réduire. Les professions juridiques ou dans les banques en particulier seraient plus particulièrement concernées.

Dans le transport, les emplois chargés de la négociation des contrats, du traitement de la liasse documentaire, et de la facturation pourraient être impactés.

 

Sans régler tous les problèmes, la blockchain peut permettre une meilleure transparence des contrats, une amélioration du suivi des produits, ainsi que des gains de temps et de productivité non négligeables. Elle s’inscrit parfaitement dans la logique de dématérialisation qui est à l’œuvre. Ce sont les raisons pour lesquelles les supply chain managers doivent s’y familiariser.

Le point de vue de Thierry Grumiaux, Responsable Filière Transport et Logistique chez GS1

Thierry G

En quoi GS1 s’intéresse-t-il à la Blockchain ?

GS1 est une organisation mondiale de standardisation créée pour faciliter l’échange d’informations et le commerce. Identifier pour mieux échanger, tel est notre crédo.
En 2020, GS1 a publié, avec l’Institut du Commerce et ECR France, un livre blanc relatif à l’usage de la blockchain pour la traçabilité des produits de grande consommation1
Avec la croissance du e-commerce, et le nombre grandissant de commandes, identifier un produit devient de plus en plus important. Or, les supply chains connaissent de nombreux problèmes d’identification. La blockchain pourrait utiliser des identifiants GS1 placés sur la palette afin de connaître son origine, sa destination, sa localisation exacte, son transporteur ainsi que ce qu’elle contient.

A votre avis, quels sont les principaux usages de la blockchain à court terme dans la filière ?

Les conditions et les problèmes logistiques, en particulier dans les chaînes d'approvisionnement, sont similaires à ceux des industries financières et de la cryptographie qui sont à l’origine de cette technologie. Par exemple, de nombreuses entités réparties échangent des données entre elles tout au long d'une chaîne logistique. Ces données doivent être accessibles à tous et conservées en toute sécurité. De nombreux problèmes peuvent être résolus, par exemple celui du contrôle de l'origine des marchandises et des composants de ces produits ou de leur piratage. 

Le cas des lettres de voitures est peut-être le cas le plus intéressant pour l’application de la blockchain dans le transport. Cette technologie est envisageable avec des smart contracts afin d’automatiser, par exemple, les facturations des prestations de transport ou la gestion des dossiers litiges. La lettre de voiture pourrait agir comme la colonne vertébrale de la blockchain, car celle-ci forcerait les mentions obligatoires à toujours être présentes de la même façon. Bientôt, cela pourrait permettre un contrôle automatisé des véhicules ainsi que de leurs cargaisons.

De plus, entre 2023 et 2025, les entreprises ayant une activité en B2B auront progressivement l’obligation de produire l’intégralité de leurs factures sous format électronique, comme prévu par la loi de finances. Cela ne signifie pas de les envoyer en format pdf, mais bien de transmettre des données numériques qui vont faire l’objet d’échanges et partages, domaine dans lequel la blockchain excelle.

La blockchain est-elle une technologie d’avenir d’après vous ?

La technologie évolue très vite, de nouvelles peuvent apparaître et d’autres peuvent disparaître en très peu de temps. Il se peut que la blockchain devienne rapidement obsolète. Suivant la technologie retenue, le volume de transactions qu’il est possible de traiter par seconde peut être largement insuffisant, mêle si cela a tendance à s’améliorer. La limite du traitement d’un grand volume d’informations avec la blockchain peut être résolu avec d’autres technologies, comme l’internet physique.

De plus, le problème de compatibilité entre les blockchains se pose, puisque chaque blockchain conçue pour répondre à des besoins particuliers possède une structure différente, et que les informations contenues dans celle-ci ne sont pas modifiables après leur insertion. Les problèmes d’interopérabilité peuvent être particulièrement gênants, d’où un enjeu de standardisation des données inscrites à travers cette technologie. Demain, d’autres technologies plus adaptées pourront apparaître.

 

1 https://www.gs1.fr/Publications/Publications/Livre-Blanc-Usage-de-la-Blockchain-pour-la-tracabilite-des-produits-de-grande-consommation

Les conseils de François de Chezelles, CEO chez TALIUM

FDC

Quel est votre métier ?

TALIUM est un intégrateur technologique qui existe depuis 2012, spécialisé dans l’architecture et l’accompagnement de projets de transformation digitale. Notre métier est de comprendre les enjeux des clients et de leur proposer les meilleurs moyens d’y répondre sur la base de l’état de l’art et de l’expérience. 

Dans quels contextes conseillez-vous de recourir à la technologie blockchain ? 

La technologie blockchain présente l’intérêt d’automatiser des process que l’on ne pouvait pas automatiser précédemment, et d’enregistrer des informations de manière infalsifiable, chaque partie prenante ayant une copie des données générées. Elle est particulièrement pertinente lorsqu’il existe une problématique de confiance. Or, cette problématique de confiance est récurrente dans la supply chain, puisque plusieurs acteurs interviennent, et que des risques de contestation nécessitent d’être en mesure de fournir des preuves. 
Les scénarios blockchain sont pertinents lorsque les différentes parties prenantes ont des intérêts différents et que l’on souhaite se passer d’un tiers de confiance. 

Pouvez-vous nous donner des cas d’usage dans le Transport et la Logistique ?

Exemple 1 : un prestataire est tenu de livrer une plateforme de la grande distribution avant une certaine heure pour éviter des pénalités. Un boîtier IoT (Internet Of Things- Internet des objets) avec GPS couplé à la blockchain permet de témoigner que le camion n’est pas arrivé en retard. Il suffit de s’entendre entre transporteurs et distributeurs sur ce que l’on enregistre dans la blockchain, ensuite c’est simple à mettre en œuvre, on travaille sur l’intégration avec les différents systèmes d’information. 

Exemple 2 avec le règlement d’une facture, cette opération soulevant des questions telles que : la prestation a-t-elle été faite, si oui était-ce dans les temps ? Sans la blockchain, y répondre nécessite des vérifications et un audit. La blockchain peut également permettre de faciliter les règlements des différents partenaires : à la réalisation de certaines étapes, on peut faire en sorte qu’ils soient payés automatiquement et instantanément, ce qui est particulièrement vertueux pour ceux qui se trouvent en bout de chaîne, qui sont souvent les plus petits et sont payés habituellement en dernier. 

Exemple 3 : pour mutualiser des moyens de transport, il faut partager des données entre concurrents, mais aucun transporteur ne souhaite communiquer des informations stratégiques sur ses clients et ses taux de remplissage. La blockchain, couplée à certaines technologies récentes de cryptographie, permet d’exploiter les données en toute confidentialité. On peut éviter ainsi que plusieurs véhicules ayant des capacités de transport disponibles livrent la même rue au même moment. Ici on utilise la blockchain pour la gouvernance de la donnée. On convient qui a droit à quelle donnée ou quel traitement de données. Le propriétaire de la donnée peut aussi autoriser son exploitation par un tiers (chercheur, collectivité territoriale) contre le versement d’argent. 

Croyez-vous au développement de la blockchain dans la supply chain ? 

Les cas d’usage vont arriver, c’est inévitable, la blockchain ouvre de nouvelles business lines. Il y a de nombreux avantages dans le transport car les procédures y sont lourdes, et doivent faire l’objet de vérifications. Les gains à la clé en termes de coûts et de délais sont donc énormes, et ce n’est pas une question de taille d’entreprise. 
Il y a aussi un potentiel à pouvoir combiner gouvernance infalsifiable de la donnée et « confidential computing », ce dernier permettant de réaliser tous traitements sur la donnée tout en conservant la confidentialité. Cette capacité toute récente est très puissante pour pouvoir valoriser la donnée. 

Autre avantage, personne ne sait « trafiquer » une donnée dans la blockchain, car on ne sait pas casser les techniques cryptographiques qui servent à la sécuriser (ce qui n’empêche pas que la règlementation ne reconnaît pas encore comme une signature électronique un enregistrement horodaté dans la blockchain).
Mais la blockchain n’est qu’une technologie, ce n’est pas LA solution, ni une révolution. On l’utilise pour ses propriétés, tandis que pour d’autres besoins, on va mobiliser plutôt l’intelligence artificielle, ou de la digitalisation plus simple. 

Est-elle réellement énergivore ? 

C’était le cas avec le Bitcoin, la première blockchain créée en 2009 et dont un principe fondamental était précisément qu’elle devait consommer de l’énergie. Mais les blockchains d’aujourd’hui n’ont rien à voir, et il y a beaucoup de manières de les rendre parfaitement éco-responsables. A l’extrême, si seules les diverses parties prenantes d’une supply chain (fabricant, transporteur, distributeur, client, assureur), qui ont toutes des intérêts différents, devaient être des nœuds valideurs du réseau, la consommation électrique serait négligeable. 

Il faut retenir que « blockchain » ne veut pas dire « Bitcoin », ni plus généralement « cryptomonnaie ». Les cryptomonnaies ont beaucoup d’utilité mais ne sont qu’un cas d’usage particulier des registres distribués parmi des milliers. 

L’expérience de Thomas Ader, Business Marketing Manager Smart Cities chez ORANGE et Julien Hatin, Ingénieur R&D à la division Innovation chez ORANGE

Thomas Ader               Julien Hatin

Thomas Ader                                          Julien Hatin

 

Selon votre expérience chez Orange, quels sont les enjeux auxquels doivent répondre les smart-contracts et la blockchain ?

Thomas Ader

Orange utilise la blockchain dans différents projets, en interne dans le groupe et au niveau de la R&D principalement avec des projets clients. En interne, avec le pôle d’expertise de la supply chain, deux exemples intéressants sont le suivi des tourets de câbles pour gérer leur consigne ainsi que celle des poteaux et antennes du réseau mobile pour la mise en place de la 5G. L’enjeu visé ici est la traçabilité des éléments à déplacer ou à installer, et la gestion des contrats de propriété complexes avec de multiples acteurs. 

Les enjeux des smart contracts et de la blockchain sont de faciliter le traitement de processus complexes qui nécessitent un nombre important de décisionnaires sur des sujets qui ne sont pas souvent dématérialisés, et pour lesquels la numérisation permet de faciliter la garantie des contrats, et d’avoir un consentement multiple qui ne peut pas être mis en cause grâce à son mode de fonctionnement décentralisé.

Quels sont les acteurs qui vous ont accompagnés dans ces projets ?

Julien Hatin

Orange a développé une compétence réelle sur les technologies blockchain et les smart contracts. Nous sommes proches de plusieurs universités françaises et internationales, et collaborons aussi bien sur des projets de recherche qu’au travers de l’encadrement de thèses.

Thomas Ader

Orange dispose de différentes ressources en interne à propos de la blockchain et des smart-contracts, certains projets se font via la participation à la chaire des Mines de Paris de l’internet Physique qui comprend des acteurs tels que Procter & Gamble, Geodis, et GS1. Orange s’est également rapprochée du club Demeter, regroupant des sociétés intéressées par la logistique durable telles que STEF, FM Logistic, et Carrefour. 

Selon la Banque Mondiale, la France perd en compétitivité logistique par rapport à son rang mondial (de la 16ème à la 18eme place de 2016 à 2018). Pour améliorer cette compétitivité, il est nécessaire d’optimiser l’usage des infrastructures logistiques et d’étudier des moyens de mutualiser les livraisons entre acteurs pour augmenter le remplissage des camions. La fluidification des possibilités liées à la multimodalité par exemple, permettrait de diminuer l’empreinte carbone et de privilégier des modes de transport moins polluants.

Quels ont été les difficultés techniques que vous avez rencontrées sur des projets liés à ces technologies ? Et quel bilan en avez-vous tiré ? 

Julien Hatin

Les smart contracts et la blockchain étant des technologies récentes, elles ne sont pas encore utilisées à leur plein potentiel. Les technologies sous-jacentes sont maintenant arrivées à maturité, et les limitations de la blockchain et des smart contracts d’aujourd’hui ne sont plus techniques : ce sont celles que l’on se fixe !
Le dernier obstacle qui est en passe d’être résolu est le caractère énergivore de certaines blockchains. La sortie d’Ethereum 2.0 constituera une preuve à grande échelle qu’il est possible d’allier consommation énergétique raisonnable et smart contracts.
D’un point de vue légal, les smart contracts n’ont pas pour l’instant la même valeur que les contrats papiers. Ceci n’empêche pas un grand nombre d’utilisations au sein de consortiums. 

Les smart-contracts et la blockchain sont-ils des solutions mûres ? Comment peut-on les envisager dans une utilisation future ?

Thomas Ader

La blockchain est structurante pour fluidifier la passation de contrats entre différents acteurs, via les smart contracts et l’IA (gestion des meilleures routes en fonction de contraintes ou partenaires). Grâce à cela, les entreprises de distribution et de transport pourront mieux gérer les flux, et par la suite optimiser les réseaux et ces flux.
La blockchain peut apporter une optimisation du remplissage des moyens de transport, tout en respectant par exemple un certain poids de livraison maximum par véhicule en analysant les composants/palettes/paquets de plusieurs clients pour un camion.
Les smart contracts vont permettre de diminuer les tâches répétitives et chronophages. Ce qui créera des gains de productivité.

Julien Hatin

Les smarts contracts et la blockchain sont aujourd’hui utilisés dans des projets publics qui capitalisent plusieurs millions d’euros en crypto actifs. Les bugs de jeunesse sont corrigés et cela permet de construire sereinement des transactions basées sur des smart contracts.
Chez Orange Innovation et chez Orange Business Services, de nombreuses expérimentations ont été faites, et la commercialisation se met en place.
Les smart contracts peuvent enrichir certains métiers, et créer des emplois à haute valeur ajoutée, ils permettent d’automatiser des tâches qui ralentissent les business tout en créant des données fiables et certifiées qui peuvent être réutilisées pour optimiser des processus.
On peut utiliser la blockchain diversement, par exemple en l’associant à de l’IoT pour contrôler le froid dans des camions frigorifiques, afin de donner à intervalles réguliers aux fournisseurs la température de leurs produits dans le camion ainsi que la localisation de ce dernier grâce à une traçabilité forte.

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