Innovation, Logistique

Défis en enjeux technologiques de la Supply Chain

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Les études logistiques et Supply Chain en sont remplies : les projets exploitant ou faisant référence aux nouvelles technologies. Les termes sont-ils galvaudés ou apportent-ils une vraie plus-value dans les pratiques professionnelles du secteur ? Comment faire la part des choses et s'approprier de nouveaux outils dont il faut souvent une expertise à part entière pour savoir comment les décliner autour de son propre domaine d'activité ?

 

Comme toujours, les défis et enjeux logistiques modernes impliquent des changements structurels importants, d'où l'importance d'en maîtriser tous les tenants et aboutissants afin de réaliser des changements, voire un virage, qui ne mette pas en péril le modèle économique mais démarque l'entreprise de la concurrence.

 

L'AFT vous propose dans cette note un petit aperçu de la courbe de Hype des solutions mises à disposition des chaînes d'approvisionnement internationales... 

      1. Contexte

Ce sont des concepts utilisés de plus en plus fréquemment dans le langage courant, au point que l’on pourrait croire que les technologies qui les exploitent sont déjà totalement déployées dans le monde de l’entreprise. La blockchain, l’intelligence artificielle (IA), ou même d’autres termes comme big data, datamining... sont en plein essor dans le milieu professionnel et en particulier logistique.

Comme toute tendance innovante, elle est attrayante et comporte en effet de nombreux avantages qui sont mis en avant par les experts en charge de leur développement. Nouvelles pratiques, explosion des données et de la qualité d’analyse que cela permettrait aux entreprises, développement de nouveaux services ou solutions, etc. Nous sommes pleinement dans une courbe Gartner du Hype cycle des nouvelles technologies (cf illustration ci-dessous).

Courbe de Hype

En effet, toute innovation apporte son lot d’attentes, de déclinaisons possibles… et ouvrent de nouvelles possibilités pour les secteurs concernés. Ici, la blockchain et l’intelligence artificielle en particulier sont promises à un avenir particulièrement prometteur et ambitieux puisqu’elles sont susceptibles d’affecter la totalité des entreprises de nos sociétés.

Mais au-delà de toutes les possibilités envisagées, il y a toujours une période difficile pour les innovations technologiques : l’adéquation exacte au besoin des utilisateurs et la mise à l’échelle. Pour ce faire, de nombreux rapports sont en train d’être produits, qu’ils soient initiés par les gouvernements ou les entreprises qui s’y intéressent, afin d’évaluer la potentialité de déploiement, le coût et couvrir l’ensemble des usages qu’ils souhaitent améliorer en exploitant ces technologies.

On découvre alors qu’il existe un certain nombre de contraintes, ici appelées verrous technologiques, non négligeables et qu’il faut surmonter tandis que l’on se trouve dans le « creux des désillusions », pour revenir à la courbe Gartner.

 

      2. Synthèse AFT

Les verrous à la mise en place d’une nouvelle technologie peuvent être d’ordre technologique (maturité des systèmes, consommation énergétique, méthodes et outils à exploiter ou modifier, etc.) ou scientifiques (modèle économique, gouvernance, communication avec d’autres systèmes ou acteurs, etc.). Pour chacun de ces « verrous », il existe bien sûr une ou plusieurs solutions et de nombreux acteurs spécialisés se positionnent pour apporter des solutions. En l’occurrence ici leur rôle est de faciliter le déploiement de blockchain pour ceux qui espèrent en exploiter le potentiel.

Mais les verrous sont donc multiples pour chaque nouvelle technologie, et interdépendants. Il est évident par exemple qu’une blockchain établie sur la traçabilité des produits le long de la supply chain nécessitera la collaboration et le consentement de tous les acteurs qui la composent. Les aspects techniques, politiques, financiers et humains doivent alors être appréhendés dans leur ensemble et simultanément pour que tous puissent s’aligner et faire en sorte que la technologie fonctionne.

Or, tous les acteurs de la supply chain ne disposent pas du même niveau de maturité quant à l’utilisation de blockchain ou de l’intelligence artificielle. Ils n’ont pas les mêmes objectifs commerciaux, ou les mêmes capacités d’investissement. Et justement, pour que l’utilisation de la blockchain soit utile et rentable en termes d’investissement, elle nécessite :

  • une collaboration inter-acteurs (règles de gouvernance des données, utilisation ou évolution des outils de communication existants, etc.),
  • des supports technologiques pré-existants (serveurs à très haute capacité, maturité numérique des partenaires, technologie de collecte des données, etc.)
  • une garantie d’évolutivité (modification des services ou produits, changement de partenaires, etc.)
  • un cadre universel d’utilisation (sécurisation des données, légal, langage, etc.)

Ainsi, que ce soit pour la blockchain ou pour l’intelligence artificielle (IA), la projection de leurs usages semble assez évidente et intuitive pour les acteurs de la logistique, qui y voient un potentiel de récupération des données très important, avec un potentiel analytique plus élevé et plus rapide, donc une précision plus grande dans la prise de décision et la réduction des risques. Dans une filière métier où la prise de décision et les arbitrages sont essentiels pour assurer un niveau de service performant, et avec un besoin d’optimisation constant, ces arguments du potentiel des innovations n’est plus à démontrer.

Mais les prérequis identifiés sont nombreux et importants :

  1. Mettre en place les piliers technologiques

Aspect prépondérant pour toutes les entreprises intéressées : identifier précisément les ressources nécessaires pour exploiter pleinement ces technologies. Les quantités de données sont potentiellement astronomiques, demandent des outils spécifiques pour les collecter, les stocker, les analyser, etc. Et tout cela a non seulement un coût, mais doit être réfléchit en amont pour que la partie analyse et exploitation soit optimale. En effet même les solutions informatiques et l’intelligence artificielle la plus avancée ont leurs limites pour analyser les données que l’on cherche à collecter. Et une autre technologie commence à apparaître comme de plus en plus viable pour cette phase : la technologie quantique, également en phase de maturation.

  1. Structurer et assurer la gouvernance

Pour chacune des deux (blockchain et IA), l’implication de fonctions transversales, voire d’acteurs différents, est nécessaire. Il faut donc repenser et construire un mode de gouvernance de ces technologies qui permette à chaque entité d’y trouver à la fois son intérêt et collaborer avec les autres dans les meilleures conditions. Dans une société établie sur un fonctionnement pyramidal, ces nouveaux modes de communication pourraient révolutionner le fonctionnement des entreprises.

  1. Renforcer les compétences internes

Pour pouvoir exploiter ces technologies, il faut en maîtriser la définition, le contour et les usages précis. Il faut ensuite former les utilisateurs aux nouveaux modes opératoires qui en découleront, car plusieurs métiers ne s’exerceront plus de la même manière. L’étude IT Social rapporte bien que les entreprises interrogées recrutent des personnes chargées de développer les capacités d’IA pour mieux en cerner l’utilisation précise.

 

      3. Perspectives pour la logistique

Pour les acteurs logistiques, la puissance et le potentiel de ces deux technologies est donc évident. Les contraintes en termes d’équipements, de budget et de capacité de formation sont tout aussi importants que pour les autres entreprises ou acteurs de la société, mais le principal avantage de cette filière est que les acteurs logistiques sont naturellement portés vers l’innovation.

En termes de moyens de financement et d’investissement en revanche, cela sera cependant très complexe pour la grande majorité des acteurs (96% des entreprises du transport routier de marchandises étant des TPE/PME), mais les idées ne manquent pas aux spécialistes de la logistique pour des co-investissements avec leurs partenaires, investir progressivement dans de nouveaux outils, répondre à des appels à projet, etc. Il existe aussi une mobilisation forte auprès du gouvernement français pour accompagner la transition technologique. Ces démarches sont donc à suivre de près pour renforcer la compétitivité « à la française ».

Pour ce qui concerne la gouvernance, la logistique ayant pour objectif de fournir des services tournés vers la satisfaction client, il existe déjà une culture prégnante de flexibilité et d’adaptabilité aux changements. Les directions des plus grandes entreprises du secteur se penchent déjà sur la question et accompagnent de nombreux projets de mise à l’échelle, sur des périmètres plus ou moins importants. La volonté de partager des informations avec d’autres acteurs est donc déjà reconnue comme une évidence, malgré certaines réticences parfois exprimées sur la forte compétitivité sectorielle et le secret d’affaires.

Sur le plan de l’appropriation des nouvelles technologies et la formation des personnels, cela ne devrait également poser que peu de problèmes aux acteurs spécialisés de la logistique, qui sont naturellement portés par l’innovation. C’est également un secteur qui pourrait bénéficier de l’évolution des métiers et des pratiques en conséquence pour redorer son image et valoriser son action auprès du grand public.

Pour le secteur transport plus spécifiquement en revanche, il est possible qu’un temps d’adaptation soit nécessaire selon le degré d’utilisation des technologies numériques actuelles. Contrairement aux « spécialistes » de la logistique, la grande majorité n’utilise encore que peu les systèmes d’information interconnectés avec leurs clients et la dématérialisation des documents de transport démarre tout juste en formation sur l’année 2021. Il faudra donc que nouvelle et ancienne génération se retrouvent pour assurer une révolution des métiers dans les meilleures conditions possibles.

 

      4. Définitions et concepts

Blockchain : technologie de stockage et de transmission d’informations. Elle est totalement transparente à tous les acteurs qui l’utilisent, sécurisée en étant indépendante de la maîtrise des acteurs et totalement interconnectée. Elle fonctionne sans organe central de contrôle. Cette « base de données » est partagée par ses utilisateurs sans intermédiaires et permet ainsi à chacun de vérifier la validité et l’intégrité de la totalité d’une chaîne d’information.

Intelligence artificielle : ensemble des théories et techniques développant des programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de l'intelligence humaine (raisonnement, apprentissage…).

Hype cycle : courbe d’interprétation de la maturité, de l’adoption, des promesses et des opportunités des technologies émergentes et de la façon dont elles évoluent au fil du temps.

Technologie quantique : regroupe les méthodes mises en œuvre pour produire des outils dont le fonctionnement repose de manière essentielle sur l'une des propriétés quantiques suivantes : la superposition quantique d'états d'un objet physique, ou l'intrication quantique de plusieurs sous-parties de cet objet.

Note : recherche approfondie recommandée pour bien cerner ce sujet.

 

Sources

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