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Connaissez-vous votre jumeau numérique ?

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Les innovations sont nombreuses au sein de la Supply Chain, notamment sur le volet technologique.

Vous avez probablement entendu parler du "jumeau numérique", mais qu'est-ce qui se cache derrière ce terme et comment les entreprises logistiques peuvent-elles s'en servir pour améliorer leurs opérations ? Nous vous proposons de reprendre un certain nombre de publications sur le sujet afin d'identifier les bénéfices possibles d'une technologie, mais également les conditions nécessaires à son utilisation pour être d'autant plus efficace.

      I. Contexte

La chaîne d’approvisionnement est perçue comme une succession de tâches coordonnées reliant plusieurs individus, processus internes, produits et lieux. Avec l’expansion géographique des acteurs et l’internationalisation de ces Supply Chain, les risques et la complexité ont fortement augmenté pour les acteurs logistiques depuis quelques années, voire décennies. Dans le même temps, le très fort développement des technologies numériques apporte un autre regard sur les opérations et la manière de travailler.

L’apparition de l’intelligence artificielle et de nouveaux outils digitaux vont ainsi permettre d’améliorer les pratiques en les étudiant sous un autre angle. Les objets connectés et le big data accélèrent le recours aux « jumeaux numériques » pour digitaliser la Supply Chain. De nombreuses entreprises développent et expérimentent l’utilisation de cette technologie pour optimiser leurs processus internes et améliorer leur productivité.

 

      II. Synthèse AFT

Un jumeau numérique désigne la représentation virtuelle d’un élément donné, telle qu’une usine, une machine, un local, un entrepôt ou un véhicule. Il s’agit d’une sorte de clone virtuel qui permet de simuler l’état physique et le comportement de l’objet. Le jumeau numérique est connecté et évolue selon les évolutions connues de l’objet représenté. Il est utile car il permet de visualiser, d’analyser et de prédire les éventuels axes d’amélioration dans la conception des objets représentés. C’est-à-dire qu’il propose une modélisation des comportements, des usages ou de la conception d’un objet. Cela permet d’anticiper des défaillances ou des risques avant même l’étape de conception, ou de prévoir des aménagements plus adaptés en cas de changement des pratiques.

Jumeau numérique : modéliser les comportements, usages ou la conception d'un objet

Plus on multiplie les jumeaux numériques d’un même objet physique, plus la quantité d’analyses et d’expériences simulées sur ce dernier sera importante et donc qualitative pour ajuster sa stratégie. Cette vue digitalisée des différentes étapes de la Supply Chain permet ainsi d’optimiser les actions à réaliser par chaque partie prenante (fournisseurs, opérateurs, chargeurs, transporteurs, etc.).

La Supply Chain exploite ou envisage déjà d’exploiter cette technologie pour 5 enjeux spécifiques :

  • Le conditionnement et la conteneurisation

Analyse et prédiction du comportement des matériaux d’emballage, notamment au regard des températures, des chocs, des engins de manutention. Couplée avec une technologie portative proposée via l’internet des objet, il sera possible à termes d’analyser en temps réel des dommages sur les conditionnements pour anticiper les réparations possibles ou le recyclage / mise au rebut. L’instantanéité de l’information permettant des gains considérables et d’éviter une défaillance du contenant pendant les opérations.

  • Les expéditions

Encore une fois, couplée à des capteurs sur les véhicules ou les produits transportés, le jumelage numérique des expéditions permet de modéliser grâce au partage des données l’ensemble des chocs ou variations de température pendant le trajet. Grace à l’analyse des données relative aux conditionnements, cela fournirait des informations en temps réel sur l’état du produit lui-même, à l’intérieur de son contenant et avant d’être remis au client.

  • Entrepôts et centres de distribution

La modélisation en 3 dimensions et le recours à l’internet des objets permet à la fois d’analyser le fonctionnement existant et d’identifier les possibilités d’optimisation (espace, circulation, flux, prévention des risques…), mais aussi de mieux anticiper la conception de futurs bâtiments logistiques. En effet la simulation pour le responsable des opérations des flux de circulation, la possibilité de projeter certains équipements et leur positionnement permettra d’augmenter considérablement son rendement et sa rentabilité une fois opérationnel. Par ailleurs, la collecte de données via des capteurs incorporés à la conception du site permettent désormais une amélioration de performance continue pour l’infrastructure, comme l’adaptation en temps réel de la luminosité, l’ajustement de la température ambiante, la prévention des risques, etc.

  • Grandes installations logistiques

Lorsqu’un site est étendu, notamment sur un hub logistique existant, face à une croissance exponentielle d’activité (ex. : plateforme logistique, port, aéroport…), un grand nombre de processus sont à revoir, parfois interreliés avec plusieurs acteurs. Cela implique des risques d’erreurs importants, des délais et une perte de productivité conséquente pendant la période de transition.

Le jumelage numérique tendrait ici à anticiper le comportement des objets, des équipements et des personnes pour modéliser au mieux les flux de circulation ou les processus à mettre en place pour une fluidité optimale de transition. En jumelant les nouvelles installations avec l’intelligence artificielle, cela peut également permettre de conserver une agilité de fonctionnement par la suite, malgré les fluctuations d’activité.

  • Réseaux logistiques

Couplé avec le développement des systèmes d’informations géographique (GIS), le jumelage numérique pourrait assister un meilleur déploiement des véhicules autonomes ou de l’organisation des transports. Avec une modélisation complète des zones de livraison, d’un environnement urbain et de ses règles de circulation, il serait possible d’anticiper le comportement des véhicules, d’améliorer leur fonctionnement et anticipation des risques, réduire les congestions de trafic ou les anticiper, etc.

Ce que l’on comprend ainsi par les différentes modalités présentées ici c’est que les jumeaux numériques, quelle que soit leur échelle, sont également couplés à d’autres technologies pour proposer leur plein potentiel aux acteurs de la logistique. Outre celles mentionnées, la block chain notamment devrait être fortement mobilisée pour non seulement faciliter la remontée massive d’information au service de la modélisation numérique, mais également apporter une protection significative des données.

En effet, la modélisation d’un système optimisé par un acteur industriel ou logistique deviendra une ressource stratégique de performance, qui devra être en lien et collaborer avec les systèmes modélisés d’autres acteurs de la chaîne logistique. Ainsi, l’interconnexion entre ces réseaux d’information et l’exploitation de l’intelligence artificielle pour le rendre performant nécessitera des quantités d’information particulièrement importantes, où la technologie blockchain aura un rôle stratégique à jouer. Il s'agit de la seule technologie capable actuellement de suivre avec transparence et une traçabilité élevée la mise en place de réseau ultra complexes.

 

      III. Perspectives pour la logistique

Pour les métiers de la logistique, le jumeau numérique apporte de nouvelles solutions à leur palette de techniques pour optimiser leurs processus de travail. Les exemples sont divers et variés, comme par exemple : visualiser un itinéraire de circulation, s’assurer de l’espace de manœuvre ou positionner un rayonnage nouveau dans une implantation logistique…

La mise en place d’un jumeau numérique simple, c’est-à-dire une maquette 3D d’un site ou d’un véhicule, permet notamment aux responsables d’avoir une vue d’ensemble ou différente, des opérations. Alors que les algorithmes ont déjà pris le pas sur l’organisation des trajets et du temps de traitement pour les opérateurs (poste de charge le plus important dans un entrepôt), la modélisation permet également d’anticiper les conditions de réalisation. Cela permet de voir une zone de croisement, des risques d’impact ou une infrastructure pas suffisamment robuste ou optimisée pour faciliter les opérations de picking.[1]

Couplé d’autres technologies, pour les groupes logistiques qui en ont déjà la capacité et l’usage, c’est un grand pas en avant en ce qui concerne l’optimisation énergétique, les gains de coûts mais aussi l’impact environnemental. Une meilleure gestion énergétique et utilisation des locaux comme des véhicules permet d’améliorer leur longévité et leur usage et donc apporte d’autres avantages économiques considérables.

La vision étendue d’une modélisation de réseau reste encore une perspective lointaine et difficile à atteindre, mais il est probable que si la majorité des acteurs logistiques s’investit dans les technologies de big data et notamment de blockchain, cet objectif sera incontournable pour une performance toujours plus optimale de leurs services.

Dans le secteur de la formation enfin, il serait possible d’utiliser le jumeau numérique également avec les solutions de réalité virtuelle et augmentée, afin de réaliser des immersions encore plus efficaces de nouveaux collaborateurs. Sur le plan de l’orientation, cela pourrait aussi dévoiler des vocations pour casser les idées reçues concernant le métier.

 

Définitions :

Internet des objets (IoT) : les technologies IoT rendent possible le recours aux jumeaux numériques parce qu'il est à techniquement possible et économiquement viable de collecter des volumes massifiés de données provenant d'un plus large éventail d’objets qu'auparavant.

Intelligence artificielle (IA) : le machine learning ouvre la voie au développement de systèmes pouvant prendre de manière autonome des décisions portant sur les conditions d’exploitation, sur la base de données à la fois historiques et recueillies en temps réel.

Réalités augmentée, mixte et virtuelle : la réalité augmentée permet d’afficher du contenu numérique en 3D, alors que la réalité mixte permet d'interagir avec du contenu numérique dans notre environnement physique. La réalité virtuelle permet de créer des environnements entièrement nouveaux tout en autorisant une exploitation intensive de données dans un cadre totalement immersif.

Big data : désigne les mégadonnées (quantités importantes de données) collectées par les entreprises de toutes les industries, et analysées afin d’en dégager de précieuses informations.

 

Sources

 


[1] L’AFT recommande notamment l’utilisation de l’outil gratuit MAVImplant, conçu par l’INRS, pour concevoir le jumeau numérique d’un entrepôt.

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