Innovation, Transport

L’innovation vue par les transporteurs européens

Publié le

L’IRU (organisation mondiale du transport routier) a fait publier une étude intitulée L’avenir du transport routier[1] exprimant la perception des professionnels du transport routier à l’égard des innovations annoncées et appelées à irriguer le secteur. Cette étude repose sur une série de sondages menés à travers le monde à la fin de l’été auprès de professionnels d’entreprises de transport et de commissionnaires.

Un environnement incertain et sous pression


L’IRU rappelle que le transport routier est l’un des plus importants catalyseurs du commerce international et donc de la croissance mondiale. Or, le transport routier est lui-même soumis à de fortes pressions sur des sujets variés :
- La croissance mondiale de la demande de transport, mais une croissance relative plus faible du transport routier européen
- La cybersécurité 
- La pénurie de main d’œuvre qualifiée
- La décarbonisation voulue par les pouvoirs publics

 

Les menaces pesant sur le transport routier mondial


Les professionnels sondés par l’IRU ont été amenés à indiquer, selon leur perception, les menaces pesant sur le transport routier. Trois menaces principales ont émergé :
•    Un environnement géopolitique incertain
L’incertitude de la situation géopolitique mondiale, par la gêne qu’elle peut opposer à la croissance de l’économie, est considérée par 57 % des personnes interrogées comme étant la plus grande menace au développement du transport routier. 
En Europe, plus spécifiquement, la question du Brexit fait craindre une discontinuité opérationnelle en cas de « no deal », c’est-à-dire au cas où la sortie du Royaume-Uni de l’U.E. se ferait sans le recours à un accord formel qui en organiserait les modalités. Toute restriction supplémentaire à la libre-circulation des marchandises ne ferait qu’augmenter les tensions auxquelles sont déjà soumis les transporteurs.
•    La nécessaire adaptation à une demande client en perpétuelle évolution
Les sondés semblent tout aussi sensibles (52%) au fait de ne pouvoir faire face à une demande de leurs clients qui est en constante hausse en termes de volumes comme en termes de variété des services offerts. Ceci concerne aussi bien les livraisons en B2B qu’en B2C pour lesquelles les clients sont gagnés par l’exigence grandissante d’une livraison « ici et maintenant ».
Au-delà de ces menaces identifiées au niveau mondial, les Européens se sentent aussi menacés par :
•    Une régulation excessive du transport routier (48%)
•    La crainte de voir l’augmentation de la demande de transport devenir très difficilement gérable eu égard aux difficultés de recrutement de conducteurs qualifiés.
Le tableau n’est pourtant pas si sombre puisque les professionnels interrogés reconnaissent dans le même temps les formidables opportunités que donnent à entrevoir les innovations attendues.

 

Les opportunités offertes au transport routier par l’innovation 


Ce n’est pas l’automatisation (21%) mais la sécurité accrue (31%) que peuvent apporter les innovations technologiques qui est perçue comme la plus grande opportunité offerte au secteur, au niveau de la conduite notamment.
L’innovation est également perçue comme un gage d’amélioration de la productivité, de renforcement de l’avantage compétitif et de la capacité à mieux répondre à la demande client.
Les professionnels du transport ont la conviction marquée que l’innovation transformera en profondeur leur activité par :
•    L’amélioration des conditions de travail et de la sécurité des conducteurs : ici sont visées les solutions de transport intelligent (ex. systèmes de freinage intelligents)
Par ailleurs, les outils informatiques connectés embarqués devraient permettre de renforcer, en les connectant les uns aux autres, le sentiment communautaire entre conducteurs.
•    L’optimisation des opérations de transport, des tournées, du chargement et du déchargement
Plus de 80% des acteurs interrogés souhaitent que les innovations à venir aboutissent à :
-    De nouvelles solutions de gestion de flotte
-    De nouvelles plateformes digitales (par exemple, une version moderne des bourses de fret)
-    De nouvelles solutions de télématique embarquée 
En outre, il faut noter que pour les opérateurs européens le e-learning est considéré comme un vecteur d’amélioration de la productivité dans la mesure où sa flexibilité permet d’optimiser l’utilisation des temps de non-conduite tout en accordant la liberté aux conducteurs d’organiser leur temps de formation au gré de leur emploi du temps, indépendamment du lieu où ils se trouvent.
•    Une certaine évolution des entreprises vers une offre de transport plus durable et plus proche des préoccupations environnementales du moment.
L’écrasante majorité des personnes interrogées (89%) attendent des innovations une amélioration de l’efficacité énergétique des moteurs de véhicules.
En revanche, malgré les très conséquents investissements consentis, « seules » 74% des réponses traduisent la croyance de ce que l’innovation aboutira à une accentuation de l’impact des carburants alternatifs. C’est ce qui fait dire à l’étude que le transport routier ne voit toujours pas ces « nouveaux » carburants comme une alternative viable au gasoil. 


Les préconisations


Au vu de ces résultats, l’étude propose, essentiellement pour préparer l’automatisation des véhicules, une refonte du système de transport qui passerait par :
-    La nécessité d’une nouvelle approche dans la formation puis le recrutement du personnel
-    L’instauration d’une collaboration plus étroite avec la puissance publique en amont de la régulation de l’activité
-    Une réforme réglementaire plus adaptée aux évolutions attendues
L’IRU, pour sa part, en appelle à une plus large coopération entre transporteurs, constructeurs de véhicules, fournisseurs de technologie et pouvoirs publics afin d’établir une feuille de route pour l’avenir.
A défaut d’une transition organisée et planifiée par l’ensemble des acteurs, le risque est grand d’accentuer les distorsions, non seulement quant à l’accès aux innovations, mais aussi quant à la connaissance même de ces innovations ou leur portée.
Ce qui veut dire qu’il existe un risque majeur de voir se développer une offre de transport hétérogène, avec d’une part les opérateurs ayant intégré les innovations et d’autre part ceux n’ayant pas pu le faire.
Ce risque est encore augmenté si l’on considère les investissements substantiels qui seront nécessaires à l’acquisition de certaines innovations technologiques. D’ailleurs, 71 % des professionnels européens interrogés voient le niveau d’investissement requis comme l’une des barrières à l’introduction des innovations.


En somme, l’innovation c’est bien, l’anticiper c’est mieux ! 

 

[1] The future of road transport (https://www.iru.org/resources/iru-library/future-road-transport)