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Les ruptures technologiques et économiques attendues

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Le Ministère de la transition écologique et solidaire (DGITM) a mené en 2018 une étude portant sur les ruptures technologiques, comportementales et économiques appelées à impacter la mobilité des personnes et des marchandises aux horizons 2030-2050 et 2070.

Avec une méthodologie originale et systématique, cette étude passe en revue l’ensemble des ruptures attendues et analyse :

  • la nature de la rupture (rupture d’intensité, d’échelle, d’usage ou technologique pure) et précise son applicabilité au fret et/ou au transport de passagers
  • l’effet sur les comportements, la technologie ou l’innovation économique
  • l’ampleur de l’impact (inexistant, marginal, modéré, majeur ou systématique/bouleversant)
  • la probabilité (possible, probable, quasi-certaine) et la temporalité de la survenance.

Les ruptures ainsi recensées peuvent être regroupées en 4 familles :

  • celles relevant de la transition énergétique,
  • celles afférentes au matériel circulant,
  • celles ayant trait à la digitalisation ; au big data, à l’intelligence artificielle et aux impacts sur les besoins de transport
  • celles relevant des politiques publiques locales

Les ruptures liées à la transition énergétique

L’étude annonce une intensité accrue dans la réduction de la consommation énergétique des véhicules, dès 2030.

De même, l’étude souligne avec force, un déploiement à grande échelle des motorisations électriques, ce qui ne manquera pas de produire un fort impact économique résultant notamment des coûts d’infrastructures correspondants.

En outre, il est probable que les véhicules à hydrogène connaissent dès 2030 un déploiement à grande échelle. En dépit du caractère onéreux de l’hydrogène, l’étude qualifie ce déploiement de probable dès 2030.

A cette date, le déploiement des véhicules roulant au GNV devrait significativement se généraliser, conduisant au passage à une hausse des importations par la France de gaz naturel et à une réduction substantielle des émissions de CO2, estimée à 23% par rapport à l’essence et à 7% par rapport au diesel.

Il en ira de même pour les autres énergies innovantes (énergies produites par les vagues, solaire, nucléaire, air comprimé) qui pourront être couplées à des moteurs électriques, réduisant toujours plus les émissions de GES.

Outre le véhicule, ce sont les infrastructures qui aussi favoriseront la transition énergétique des secteurs du transport et de la logistique.

C’est ainsi que pourraient apparaitre des autoroutes à induction électromagnétique, ou des routes solaires, permettant de recharger, en roulant, les véhicules électriques, avec une généralisation possible dès 2050.

L’étude entrevoit comme possible (et/ou souhaitable), l’équipement généralisé en 2030 de notre réseau en routes électrifiées équipées de caténaires.

Il faut souligner que le coût d’installation de ces infrastructures est extrêmement lourd. Pour autant, si un tiers du réseau autoroutier français était électrifié, cette solution permettrait aux transporteurs d’économiser 1 Milliard en achat de carburant sur 20 ans.

Les ruptures afférentes au matériel circulant

La rupture la plus médiatisée est certainement celle provoquée par l’introduction du camion autonome qui devrait émerger en 2030 pour se généraliser de façon quasi-certaine dès 2050.

Cette innovation devrait bouleverser le marché du travail des particuliers comme des professionnels de la route. Notamment, le temps dégagé devrait permettre de redessiner les activités menées à bord du véhicule. Le milieu urbain s’en trouverait modifié du fait de la possibilité de généraliser les livraisons de nuit.

La filière automobile, dans son ensemble, tous véhicules confondus, en serait bouleversée et connaitrait une modification substantielle de la chaine de valeur connue aujourd’hui.

Sur le plan environnemental, l’impact du véhicule autonome devrait être relativement faible, comparé aux économies générées par les nouveaux types de motorisations des véhicules. L’étude a en revanche décidé de ne pas aborder la problématique du recyclage ou du traitement des batteries du camion autonome.

Avec une quasi-certitude, l’étude annonce la généralisation en 2050 du recours aux drones, en B2C comme en B2B, un bienfait pour la réduction des coûts des livraisons urbaines (logistique du dernier kilomètre), d’autant que les drones seront électriques et donc sans impact climatique néfaste.

Non moins futuriste, l’étude évoque la possible émergence dès 2030 de robots livreurs terrestres susceptibles d’assurer la livraison de colis en zones denses. Ceci pourrait à la fois contribuer à réduire les coûts de livraison du dernier kilomètre tout en ayant un impact environnemental positif par la décongestion subséquente des zones urbaines en cas de déploiement massif.

Les ruptures afférentes à la digitalisation, au big data et à l’intelligence artificielle

C’est ici qu’interviennent les ruptures les plus évidemment technologiques.

Ainsi, la généralisation par exemple des imprimantes 3D, annoncée comme quasi-certaine dès 2030, aura notamment pour effet de réduire significativement à la fois les coûts de la supply chain ainsi que la taille du marché du transport, par un effet mécanique de la possibilité de produire in situ des objets qu’il fallait jusqu’à présent transporter jusqu’au lieu d’exploitation.

Il en sera de même pour la blockchain, cette technologie qui permet de sécuriser, conserver et garantir l’historique des données et l’inviolabilité des opérations commerciales contractuelles telles que la commande d’un service de transport. Celle-ci devrait être généralisée en 2050 :

  • réduisant par là-même à tout le moins le nombre d’intermédiaires (assureurs, banques, courtiers etc.) intervenant dans la commande d’une prestation de transport, et plus encore le coût du traitement de ces interventions
  • facilitant les procédures administratives (contrôle routier, relations avec la douane…)
  • tout en facilitant le traçage des marchandises pour une sûreté améliorée et une plus grande satisfaction des clients.

Le recours à la mobilité connectée, « big data » (c’est à dire les mégadonnées extrêmement volumineuses difficiles à traiter), équipements embarqués connectés et intelligence artificielle, se généraliserait avec une probabilité quasi-certaine dès 2030.

Il entrainera un changement d’échelle dès lors qu’une majorité de services, véhicules et voyageurs exploiteront les possibilités offertes par la multitude des équipements embarqués et connectés à internet.

Il en résultera une redéfinition et une meilleure gestion des flux de passagers et de marchandises, une meilleure traçabilité tant du véhicule que des marchandises ainsi qu’un développement du transport intermodal de passagers, rendu possible grâce aux informations recueillies en temps réel.

Ces ruptures favorables ne doivent pas amener à négliger des effets négatifs collatéraux et notamment le développement de la cybercriminalité que l’étude envisage avec une quasi-certitude dès 2030.

Cette rupture est d’autant plus critique qu’elle pourrait entrainer un surcoût considérable pour les entreprises de transport, voire même freiner la révolution technologique à l’œuvre.

Pour les passagers, c’est aussi bien leur sécurité physique que le respect de leur vie privée qui est en jeu.

La lutte contre la cybercriminalité, dans le transport, comme dans les autres secteurs, sera donc déterminante…

Les ruptures ayant trait aux politiques publiques locales

Répondant à une préoccupation grandissante des citoyens pour une amélioration du confort en ville, le concept de « villes apaisées et résilientes » donne lieu à de nouvelles politiques publiques locales.

Si l’étude n’évoque qu’une possible généralisation en 2050 de ces pratiques, elles devraient s’accompagner de la modification en profondeur des habitudes de déplacement des citoyens urbains (priorité aux transports en commun, aux mobilités dites actives tels les déplacements à vélo et non polluantes, ex. trottinettes électriques.

Enfin, l’étude évoque une probable généralisation dès 2050 de nouveaux schémas de logistique, urbaine notamment.

Ces schémas visant à améliorer l’acheminement des flux de marchandises soulèvent des enjeux multiples : partage de la voirie, sécurité, congestion, pollution, bruit etc.

Il s’agira notamment de mutualiser toujours plus les chaines logistiques, de migrer vers des moyens de transport plus respectueux de l’environnement et de mieux prendre en compte la fonction logistique du foncier dans les villes.

L’impact sera avant tout environnemental puisque les solutions préconisées contribueront à réduire l’empreinte carbone des livraisons urbaines tout en favorisant la décongestion de nos villes.

 

Au final, il ressort de cette étude que les ruptures annoncées confirment un sentiment déjà présent parmi les professionnels du transport et de la logistique : nous allons devoir apprendre à nous déplacer différemment et à voir nos marchandises être déplacées autrement (nouveaux schémas, nouveaux modes, nouvelles infrastructures, nouveaux véhicules, nouveaux volumes).

Dans le même temps, les professionnels du transport verront leurs activités, voire leurs métiers nettement évoluer en conséquence.