Logistique, Mobilité, Transport

Inflation & Transports, à qui profite la crise ?

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L'inflation a été LE sujet des grands médias de ces derniers mois. Il a été question des coûts de l'énergie, des marges des industriels ou des distributeurs, mais également du coût des opérations de transport. L'AFT a voulu se pencher sur cette question pour analyser les sources disponibles et la façon dont le secteur transport a réagi à la crise économique en cours et répondu présent toujours aux besoins d'acheminement, tandis que des pénuries apparaissent ici et là pour certains produits, certaines ressources primaires, etc.

      1. Contexte

Il est actuellement difficile d’ignorer qu’une montée historique de l’inflation est en cours, au niveau mondial. Tandis que les mesures du gouvernement français depuis la crise covid de 2020 ont fortement absorbé ses effets en comparaison des taux indiqués pour la zone Europe ou le reste du monde, elle n’en reste pas moins très forte pour notre économie (autour de 6,5% actuellement[1]).

La difficulté à gérer cette crise inflationniste est multifactorielle, puisqu’elle a démarré il y a plus de deux ans avec la pandémie de covid, et les confinements à répétition de nombreux pays et secteurs industriels avec eux. La crise sanitaire n’est d’ailleurs toujours pas terminée, puisque la Chine poursuit sa politique de tolérance zéro et confine à répétition des villes entières, au risque de mettre en péril certaines chaînes d’approvisionnement. Les flux internationaux ont commencé à être repensés à partir des politiques nationales qui se soucient de la souveraineté de certains produits critiques au bon fonctionnement de nos sociétés.

Mais la guerre en Ukraine déclarée par la Russie en février 2022 a accentué la fragilisation des Supply Chain, en mettant en évidence une autre fragilité des Etats : la dépendance énergétique. Entre l’exploitation toujours plus délicate et coûteuse des énergies fossiles comme le pétrole, et la très forte dépendance au gaz russe des pays européens, le coût des énergie est en train d’exploser et cela affecte à nouveau la totalité des secteurs économiques.

Les quatre modes principaux d’acheminement international (aérien, maritime, ferroviaire, routier) subissent ces crises à répétition de plein fouet mais sont fragilisées pour des raisons différentes. Malgré l’augmentation actuelle des coûts de transport, l’AFT vous propose un rapide tour d’horizon des mesures prises par ces derniers pour surmonter cette croissance forte de l’inflation.

      2. Synthèse AFT

A l’origine, l’inflation actuelle a démarré par un effet de rupture entre l’offre et la demande mondiale, liée à la période de confinement. Les marchés ont été fortement bouleversés, les modes de consommation également, ce qui a eu un impact sur les modes de vie et de travail d’une grande partie du monde économique. Les besoins liés à la digitalisation par exemple ont été démultipliés et sur différents secteurs d’activité, créant des tensions sur l’approvisionnement de composants jusqu’alors méconnus du grand public comme les semi-conducteurs.

Après la levée des confinements et la relance économique, on constate une envolée des coûts de l’énergie, notamment du gaz et des carburants. Elle représente aujourd’hui près d’un tiers de la composante de l’inflation. Avec l’épuisement des énergies fossiles et les besoins de transition écologique, la pression sur les secteurs de production d’énergie reste forte. Pour la France, la maîtrise relative de cette inflation passe par un bouclier tarifaire efficace et un important parc nucléaire national.

Les conséquences de cette inflation, dans un premier temps relative, commencent à peser sur l’économie mondiale lorsque se rajoute la guerre en Ukraine. Les deux pays impliqués (avec la Russie) étant d’importants exportateurs de céréales, d’énergie (gaz russe) et un axe de transport clef entre l’Asie et l’Europe, ce sont plusieurs chaînes d’approvisionnement qui sont contraintes de se réorganiser. Il ne s’agit pas seulement de coûts de transport, mais bien de repenser les sources d’approvisionnement de nombreux pays, donc un impact sur les origines des produits, leur qualité, les coûts variables d’ajustement, etc.

La désorganisation des chaînes d’approvisionnement, couplée aux modifications des comportements de consommation, affecte d’autres secteurs, notamment industriels. Les produits initialement concernés sont utilisés dans de nombreux processus de transformation ou plus simplement par tous les acteurs des chaînes logistiques (énergie). Les transporteurs sont désormais tous impliqués et sur tous les modes.

Tandis que le secteur aérien se remet difficilement de la crise pandémique avec une chute drastique de fréquentation des passagers, elle a cependant compensé partiellement la baisse de fréquentation par un fort développement de son activité de fret. En revanche, le conflit ukrainien influence à nouveau les flux en augmentant les coûts puisqu’il faut pour la plupart des flux contourner la zone de tension, ce qui a une incidence sur les tarifs et délais.

Le secteur maritime quant à lui, a su profiter de la reprise mondiale de l’activité au sortir de la crise covid. Avec une pénurie des conteneurs sur la période, des corridors mondiaux en quasi-saturation et une offre plus tendue que la demande, ce secteur s’est dégagé des profits inédits qui aujourd’hui devraient être utilisés pour absorber l’impact des dépenses énergétiques pour rester fonctionnel.

Le secteur ferroviaire au niveau international longue-distance est peu impacté ou déterminant sur les volumes de fret mondiaux. Cependant la crise actuelle met à mal les projets d’investissements ukrainien sur les routes de la soie et le développement modal de cette solution pourtant la plus écologique.

Enfin, le secteur du transport routier de marchandise fait partie également des acteurs les plus touchés par la crise. Avec des marges opérationnelles très faibles (entre 1 et 2,5%), toute inflation de l’énergie et des produits associés à l’augmentation des coûts va mettre en péril leur modèle économique. Pour faire face à une inflation grandissante et un coût de la vie élevé, la Branche a signé en début d’année un accord historique de revalorisation des salaires de +8% pour les salariés et +5% pour les cadres.

Mais ces charges impactent les frais de fonctionnement des transporteurs, qui se rajoutent à ceux des pièces détachées, de la maintenance et bien sûr de l’énergie. Pour les acteurs qui avaient basculé sur une motorisation au gaz, l’augmentation des coûts avoisine les +400%, rendant l’activité totalement impossible pour ces véhicules, au risque de se mettre en faillite. On rapporte également des vols de carburant qui se rajoutent aux difficultés des opérateurs.

Même si les aides de l’Etat sont importantes, elles restent insuffisantes selon les organisations professionnelles.

      3. Perspectives pour la logistique

Le constat est posé : non les transporteurs ne profitent pas de la crise, quand bien même l’offre est inférieure à la demande et ce pour tous les modes de transport.

Il semblerait évident de simplement répercuter ces coûts de fonctionnement sur les autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement, et notamment les chargeurs. Mais ces derniers ont non seulement leurs propres augmentations à absorber (qui sont également significatives puisqu’elles concernent l’ensemble des biens de consommation), mais aussi la préoccupation de la capacité des consommateurs finaux à accepter ces augmentations en bout de chaîne.

Toutes les sources d’énergie sont concernées par l’inflation et l’augmentation des prix, par conséquent le problème n’est pas seulement de basculer vers d’autres solutions. Il s’agit surtout d’essayer de réduire le besoin global pour supprimer les opérations de transport inutiles, et accélérer l’optimisation des flux pour les opérateurs.

Une réorganisation mondiale des chaînes d'approvisionnement est nécessaire.

Cela demande une réorganisation mondiale des chaînes d’approvisionnement, une réflexion concertée des flux pour accepter la mutualisation lorsqu’elle est possible, la priorisation nécessaire, etc. C’est une opportunité forte de conversion énergétique pour tous les acteurs de la Supply Chain qui le peuvent, de façon à réduire leurs coûts de fonctionnement là où ils le peuvent pour mieux accompagner les besoins du transport pour faire face à leurs propres contraintes. Cependant, cela demande des efforts financiers conséquents pour investir sur ces nouveaux aménagements et équipements, ainsi qu’un temps incompressible de mise en place avant d’être pleinement opérationnels.

Il s’agit donc d’une opportunité d’accélération de la conversion énergétique de toute l’économie. Cette conversion sera cependant moins évidente pour le secteur des transport étant donné sa forte dépendance actuelle aux énergies fossiles, et le manque de maturité industrielle des solutions moins émissives en gaz à effets de serre pour les acteurs de la mobilité. En revanche, cela pourrait accélérer les partenariats avec les acteurs de la mobilité douce, moins dépendants des énergies malgré des coûts en ressources humaines qui restent essentiels.

Dans tous les cas, les efforts à fournir seront dépendants de la capacité à investir et la survie économique des acteurs du transport, déjà en tension en termes de capacité de leur offre face à une demande toujours grandissante. Reste à déterminer comment la coordonner entre des aides de l’Etat, et les efforts des chargeurs ou des consommateurs finaux dans la relance économique à venir…

Sources

 


[1] Source : vie-publique.fr

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