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Détaillants et e-commerce, David contre Golliath ?

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Pratiquement personne aujourd’hui ne peut ignorer l’existence du géant du e-Commerce : Amazon. Moins connu du public européen mais pourtant entreprise la plus lucrative au monde depuis plusieurs années: Walmart de son côté représente le développement exponentiel de la grande distribution, avec le plus gros chiffre d’affaire mondial depuis 2013. Il a fait en quelques années de l’activité « retail » un réseau transnational, extrêmement bien implanté sur tout le continent américain et en plein essor international via d’autres noms d’enseigne parmi ses 71 filiales.
A l’heure du développement numérique et des changements de comportement des consommateurs, ces deux modèles font office de référence et posent question quant au monopole qu’ils représentent sur leur filière respective. Quels sont les atouts des petits détaillants face à ces géants de la distribution ? Le modèle traditionnel a-t-il encore de beaux jours devant lui face à l'expansion des pratiques numériques ?

1. Contexte

Pratiquement personne aujourd’hui ne peut ignorer l’existence du géant du e-Commerce : Amazon. Moins connu du public européen mais pourtant entreprise la plus lucrative au monde depuis plusieurs années, Walmart de son côté représente le développement exponentiel de la grande distribution, avec le plus gros chiffre d’affaire mondial depuis 2013. Il a fait en quelques années de l’activité « retail » un réseau transnational, extrêmement bien implanté sur tout le continent américain et en plein essor international via d’autres noms d’enseigne (Walmex, Asda, Seiyu, etc.) parmi ses 71 filiales.

A l’heure du développement numérique et des changements de comportement des consommateurs, ces deux modèles font office de référence et posent question quant au monopole qu’ils représentent sur leur filière respective. Amazon notamment, qui se développe fortement à l’international sous son identité propre, a imposé de nouveaux standards de livraison pour le secteur mondial du e-Commerce (livraison le jour même) alors que l’ensemble des acteurs s’étaient alignés sur un service en J+2, c’est-à-dire sous 48h.

Les petits détaillants, les commerces de proximité… comme l’Europe en compte beaucoup, peuvent-ils résister à l’évolution des technologies et habitudes de consommation des habitants de centres urbains ? Les villes historiques sont-elles adaptées à l’augmentation significative de circulation des véhicules de livraison pour la livraison à domicile ? Les deux modèles, physique et numérique, sont-ils amenés à se confondre et offrir une prestation globale unique, ou existe-t-il des limites structurelles à chacun de ces deux leaders mondiaux, permettant aux autres acteurs de résister à leur formidable expansion ?

 

2. Synthèse AFT

Il existe de plus en plus de communications, sur les réseaux sociaux ou via les médias traditionnels, appelant à boycotter les services d’un acteur comme Amazon, et ses concurrents en croissance du e-Commerce (Cdiscount ou la Fnac à moindre échelle en Europe). L’objectif de ces messages : protéger les petits commerçants, la culture locale et l’emploi dans les régions.

Mais sans prendre position, il faut déjà comprendre le modèle du géant américain et sur quoi repose sa stratégie :

  • D’une part, il s’agit avant tout d’une « marketplace » de produits disponibles dans une offre très large avec des prix ultra-compétitifs,
  • D’autre part, un service client moderne, rapide et efficace, pour une livraison et gestion des litiges optimaux.

Or, la particularité d’une marketplace est qu’elle ne produit pas ses articles, mais sert de vitrine pour d’autres acteurs industriels ou distributeurs, afin de leur faire bénéficier d’une visibilité et d’un canal de vente privilégié. En étant le plus important et en poursuivant une stratégie de service client irréprochable et personnalisé, chacun de ces axes nourrit l’autre : les clients satisfaits continuent de voir un intérêt à acheter leurs produits via Amazon et les commerçants d’y voir grandir leur part des ventes (en opposition à d’autres canaux de distribution). Et plus la gamme de produits est large, plus le consommateur gagne du temps en trouvant tout ce qu’il cherche en une seule opération plutôt que d’avoir à basculer d’un site à un autre, ou varier ses sources d’achat.

De son côté, Walmart a construit son réseau sur la grande distribution mais su décliner son offre de vente en physique via toutes les tailles de magasin pour accéder aux consommateurs du territoire américain puis à l’international. La marque s’est construite et développée fortement sur des prix très bas, pour faire profiter directement des prix négociés avec les fournisseurs, en amont des points de distribution. Une formule « gagnant-gagnant » pour le consommateur final et le distributeur, qui augmentait ainsi significativement ses parts de marché.

Aujourd’hui, pour conserver leur compétitivité face à ces géants, les indépendants doivent donc tenir compte de ces modèles économiques et de la stratégie des champions de la distribution de détail. L’étude Roland Berger présente un angle positif et opportuniste pour les détaillants, en allant concurrencer un leader comme Amazon sur son domaine d’expertise : la marketplace.

En effet, les distributeurs de verticales de produits spécifiques, en développant leur propre plateforme digitale de mise en vente et en défendant la qualité de leurs produits ou de leurs partenaires, sont en capacité de défendre leur modèle vis-à-vis d’Amazon, sur cette gamme d’articles spécifiques. Il faut pour cela maîtriser une gamme de produits suffisamment large sur un domaine spécifique, et exploiter au mieux le développement en cours des nouvelles marketplace européennes.

Ensuite, la disponibilité de magasins physiques et donc d’une identité de marque connue, de proximité pour les consommateurs, est aussi un gage de reconnaissance client, pour tous ceux qui n’ont pas encore abandonné leurs habitudes de faire leurs courses sur place. Pour les zones rurales, plus contraignantes d’accès aux géants de la distribution, la proximité est un atout considérable. Le modèle économique d’Amazon s’appuyant sur la concentration des populations pour optimiser tous ses coûts logistiques (gestion des livraisons mais également des retours, garantie en cas d’insatisfaction, etc.) le maillage territorial devrait donc être le deuxième angle de compétitivité des acteurs de la distribution physique.

Pour les zones rurales, plus contraignantes d’accès aux géants de la distribution, la proximité est un atout considérable.

Mais la compétitivité des acteurs du retail face à Amazon est soumise à deux contraintes :

  • Être suffisamment important pour présenter une gamme de produits compétitive, spécialisée et attractive pour les consommateurs,
  • Disposer d’outils numériques et des technologies pour communiquer avec les acteurs de la distribution et bénéficier d’informations fiables sur toute la chaîne logistique.

Cette opportunité se présente donc principalement aux acteurs « majeurs et intermédiaires » du retail, comme repris dans cette synthèse du cabinet.

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Cependant, les deux géants sont très actifs également pour revoir leurs stratégies respectives de distribution et gagner en parts de marché sur le territoire mondial. Non seulement ils occupent une telle place sur le web qu’il en devient très difficile de coexister ou de lancer un nouveau projet et se faire connaître des consommateurs, mais ils se livrent depuis plusieurs années à une bataille d’acquisition de vendeurs tiers, afin de poursuivre leur expansion respective de la « gamme produits ».

Les leviers de négociation de ces deux marques sont exceptionnels de part leur taille et la pression de la concurrence :

  • Si vous refusez la proposition, ils peuvent se tourner vers d’autres fournisseurs ou prestataires,
  • Ils disposent de la capacité à vendre sans aucun profit, pour exploiter alors d’autres produits qui compenseront largement le bénéfice réalisé sur le « panier d’achat ».

Pour les acteurs du e-Commerce qui se lancent, c’est une bataille très difficile à suivre, sauf en présentant un modèle de visibilité ou de gestion client particulièrement innovant et des produits qu’aucun des deux ne serait en capacité de vendre.

Enfin, chacun des deux essaie de ressembler à l’autre, sans forcément en maîtriser le modèle économique pour l’instant.

Amazon a construit sa stratégie sur une logistique extrêmement précise, une mutualisation des flux et un service client très performant. Pour améliorer sa visibilité et sa qualité de service auprès des grands pôles urbains, la marque essaie d’acquérir de plus en plus de magasins physiques afin de proposer une proximité qu’ils n’avaient pas jusqu’à présent. Cela implique une évolution de l’offre de service également, avec des magasins qui serviront de relais de stockage et proposeront du Ship from Store depuis le cœur des villes.

Mais l’expansion de son réseau et l’acquisition d’immobilier implique une gestion des coûts bien différente de celle choisir initialement conçue pour optimiser les flux.

De son côté, Walmart s’investit dans le numérique avec sa propre Marketplace, mais n’en maîtrise pas encore tous les aspects, puisque son réseau de partenaires est bien inférieur à celui d’Amazon sur ce plan, et que leur choix d’algorithme pour la valorisation des produits en ligne est sensiblement différent de celui de son concurrent. Par ailleurs, il faudra ensuite à Walmart structurer sa capacité de service pour venir concurrencer les plateformes logistiques du e-commerçant. Cela implique de nouvelles compétences et des équipes dédiées, probablement de revoir certaines acquisitions et abandonner des projets moins rentables.

Tandis que le géant du retail mondial avait la capacité de tester et d’adopter ou abandonner divers projets innovants pour améliorer ses activités et services au client ; aura-t-il toujours cette capacité s’il doit se mettre en ordre de bataille sur le secteur de prédilection d’Amazon ?

De son côté, la marque au sourire parviendra-t-elle à préserver son fragile équilibre financier pour investir massivement dans de l’immobilier et un réseau de distribution plus visible, alors que son modèle de rentabilité est bien moindre que pour ses concurrents ?

Les petits commerçants résistent depuis plusieurs décennies aux grandes surfaces et à toutes ces nouvelles formes de vente aux clients, et ont su pour la grande majorité, proposer de nouvelles solutions à leurs clients pendant la crise covid pour se caler sur les modèles du e-Commerce. Ils devront donc eux aussi prendre en compte ces évolutions du marché, à moindre échelle, pour trouver leur place dans l’écosystème global.

3. Les impacts logistiques de cette compétition tous azimuts

Ces articles mettent en relief l’expansion de l’offre commerciale qui s’adresse aux consommateurs finaux et fait se rejoindre deux mondes différents : le physique et le numérique, aux portes de l’omnicanalité. Les modèles logistiques sont différents pour chaque canal de distribution et le repenser des activités par rapport à un modèle établi va présenter des enjeux de coûts et de rentabilité importants pour chacun des leaders du marché de retail.

Alors que tous les autres acteurs, quelle que soit leur taille, assistent à cette compétition internationale et essaient de préserver leur positionnement face aux deux géants, la question n’est peut-être pas de savoir s’il faut « les battre » mais comment préserver et renforcer un modèle en place. D’une part pour assurer des parts de marché, des emplois et une image de marque, mais d’autre part aussi pour faire face aux évolutions significatives des comportements de consommation.

Dans un contexte de crise mondiale, d’une expansion croissante des achats par le numérique et d’une mondialisation des flux, chaque acteur de la distribution doit faire face à de nombreuses contraintes et des pressions sur les prix. Les outils évoluent, les compétences attendues pour le secteur logistique également.

En toile de fond, le développement durable et la mise en place de démarches de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), impulsé par les Nations Unies et le Pacte Mondial de l’an 2000, demandent aussi à chacun de s’investir davantage sur la préservation tant des ressources environnementales qu’humaines, et de nouveaux modèles économiques pourraient potentiellement voir le jour pour proposer une alternative…

 

4. Définitions et concepts

Une Marketplace est définie comme un site internet sur lequel des vendeurs indépendants, professionnels ou particuliers, ont la possibilité de vendre leurs produits ou services en ligne moyennant une commission prélevée par le site sur chaque vente. Il existe d’autres modèles économiques, basés sur les frais fixes des ventes, les abonnements, les frais d’insertion, le prix au lead ou encore les services aux vendeurs.

Une verticale est un marché pour lequel une industrie ou un groupe d’entreprises ont les mêmes besoins / la même clientèle, pouvant bénéficier d'une même stratégie de marketing. La stratégie marketing (ou logistique) qui en découle consiste à rassembler tous les produits de ce marché en un même endroit ou via un canal privilégié et spécialisé, pour renforcer l’attractivité auprès de ces clients.

Retail est le terme anglais désignant l'activité de commerce de détail. Il s'agit d'une activité de revente de biens qui se fait à destination du consommateur final. Le bien vendu n'est normalement pas transformé avant revente. Au sens statistique de l'INSEE, le retail ne comprend théoriquement pas le commerce des services, ni l'activité de commerce de gros.

Le Ship from Store est un mode livraison par lequel un distributeur disposant d'une offre e-commerce et d'un réseau de points de vente physiques livre ses clients à partir de ses magasins et non à partir d'une plateforme d'entreposage.

L’omnicanalité : le terme d'omnicanal ou d'omnicanalité désigne le fait que tous les canaux de contact et de vente possibles entre l'entreprise et ses clients sont utilisés et mobilisés, depuis la vente en main propre jusqu’à la livraison à domicile, et ce quel que soit le moyen de commander un produit (présentiel ou numérique).

La Responsabilité Sociétale des Entreprises désigne la prise en compte par les entreprises, sur base volontaire, et parfois juridique, des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques dans leurs activités.

Le Pacte Mondial est une initiative des Nations unies lancée en 2000 visant à inciter les entreprises du monde entier à adopter une attitude socialement responsable ; en s'engageant à intégrer et à promouvoir plusieurs principes relatifs aux droits de l'Homme, aux normes internationales du travail, à l'environnement et à la lutte contre la corruption. Le Pacte mondial encourage la participation de la société civile, des gouvernements, des organisations professionnelles, des organismes des Nations unies, des universités et de toute autre organisation volontaire.

 

Sources

Etude Roland Berger : et si les retailers pouvaient enfin battre Amazon ?

Article Forbes : Walmart et Amazon, le choc des titans du retail

Article LSA Conso : Walmart, décryptage d’une transformation

Informations annexes au site