Environnement et Développement Durable, Innovation, Logistique, Prospective et innovation, Qualité de vie au travail

La génération des opérateurs logistiques 2.0

Publié le

La logistique est presque systématiquement associée, historiquement, à l'évolution de techniques et de technologies qui permettent aux entreprises d'être plus efficientes dans leur gestion des ressources et des flux. De nombreux équipements de dernière génération sont venus s'associer aux pratiques du quotidien pour de nombreux collaborateurs, que ce soit dans les entrepôts ou les magasins. Entre la digitalisation à 100% d'un site ou l'accompagnement de la performance en préservant la présence d'un individu autour des activités logistiques : comment équilibrer la technologie et qu'est-ce que cela change pour ces opérateurs ? Y'a-t-il des risques ou des contraintes associés ?

      1. Contexte

Le secteur de la logistique, au sens large du terme, est en évolution constante car il répond à des besoins grandissants et toujours ambitieux de l’ensemble des chaînes d’approvisionnement mondiales. Quels que soient les produits manipulés par les prestataires logistiques, le maître-mot de la performance est l’efficacité. Etroitement corrélé à la cadence, mais également aux processus de travail en place, cette efficacité logistique ne cesse d’être repensé au travers notamment de nouvelles technologies et organisations des flux.

Nous vous proposons de nous intéresser à ces équipements du quotidien qui entrent progressivement dans les usages opérationnels, à des degrés plus ou moins avancés d’automatisation et d’industrialisation, tout en préservant le rôle des opérateurs logistiques. Les prestations de l’intralogistique, sans même parler de toute la diversité des canaux de distribution pour parvenir au consommateur final, restent complexes et souvent difficilement automatisables. Quels outils peuvent donc contribuer à augmenter les cadences et la productivité, tout en tenant compte de la valeur ajoutée des individus ?

 

      2. Synthèse AFT

Pour revenir un peu en arrière sur les origines des prestations logistiques : une massification des flux industriels et de la demande internationale, avec des chaînes d’approvisionnement de plus en plus étendues, et des besoins de plus en plus personnalisés au consommateur final. Les sites industriels vont ainsi se délocaliser souvent, pour des raisons d’optimisation des coûts de production, ou de proximité avec leurs fournisseurs principaux, mais aussi d’une automatisation accélérée de tous les processus de fabrication pour remplacer les chaînes de postes de travail et d’atelier tenues par des personnels en quantité, pour les remplacer par des machines et tapis de production.

Quelques exceptions persistent évidemment au niveau mondial, à l’instar du modèle chinois ou indien qui dépend encore massivement de chaînes de production manuelles, mais disposent d’un coût de main d’œuvre ultra-compétitif en comparaison du niveau de vie occidental.

Cependant, l’industrialisation et l’automatisation des processus, qui permet d’alterner des chaînes de production avec des options spécifiques sur des lignes de production (ex. : production automobile), va nécessairement dépendre d’une intervention humaine si l’on transforme le produit en bout de chaîne pour répondre aux desideratas de chaque consommateur. C’est là qu’entre en jeu la flexibilité et la performance logistique, pour qu’au plus près de chaque marché et point de vente il devienne possible à moindre coût de répondre à ces attentes.

La spécificité de l’Humain sur la machine, c’est sa capacité à utiliser ses 5 sens de manière coordonnée et ultra-flexible d’un produit à l’autre sur un poste de préparation de commandes avec des actions spécifiques à réaliser. Celle de la machine, c’est la cadence et la précision à des niveaux élevés de productivité.

Lorsque l’on parle de « wearables » ou objets connectés, il s’agit donc d’appuyer les opérateurs logistiques, en fonction de leur fonction et des tâches à réaliser, pour améliorer ou soulager leurs sens en vue d’une productivité supérieure, là où la machine seule ne serait pas efficace.

Les moyens pour y parvenir sont ainsi des équipements dont vous avez certainement entendu parler dans les médias spécialisés :

  • Le voice picking :

Solution qui semble la plus usitée sur le marché. Les opérateurs reçoivent leurs instructions orales grâce à un casque connecté au système d’information et confirment verbalement leurs actions. Cela réduit le temps de lecture pour se diriger en permanence vers le prochain emplacement de travail sur les opérations de picking.

  • Les lunettes de réalité augmentée :

Aussi appelée smart glasses, elles utilisent une caméra intégrée au montant des lunettes pour scanner les codes barres automatiquement, sans intervention manuelle. Elles affichent également à tout instant la liste des produits à collecter et leur emplacement physique pour réduire les temps de lecture et les allers-retours des opérateurs au système d’information.

  • Le scanner annulaire :

Appareil qui s’apparente à une bague-scanner, très légère et pratique, permettant de gagner du temps sur la lecture des codes-barres sans surpoids pour l’opérateur. Il permet ainsi plus d’autonomie sur les opérations à réaliser mais surtout garantit la précision des informations avec un contrôle les produits accru pour compenser l’attention des opérateurs en conditions opérationnelles intenses.

  • Le terminal embarqué portatif :

Fonctionnement similaire au précédent, mais avec davantage de fonctionnalités et d’informations puisqu’il est alors possible pour l’opérateur de saisir des informations, actualiser un état de stock, renseigner le système sur un dommage constaté, etc. Permet d’éviter les allers-retours vers le manager ou ordinateur central.

  • Les imprimantes mobiles :

Ces équipements permettent l’impression de document rapide, partout et à tout moment pour accompagner des opérateurs logistiques amenés à beaucoup se déplacer sur le site logistique. Particulièrement pertinent et utile pour les entrepôts à vocation commerciale où les clients viennent eux-mêmes récupérer leurs produits auprès d’une équipe logistique.

  • L’exosquelette :

Il peut aussi rentrer dans la catégorie des « équipements » de l’opérateur logistique. Il s’agit de structures destinées à accompagner de façon complète ou partielle les déplacements et mouvements des opérateurs. Cette technologie est pensée pour soulager la pénibilité d’un geste répété, pour renforcer la puissance de transport ou manipulation d’objets lourds, etc. On décuple ainsi le potentiel de l’individu tout en lui préservant sa plus-value et la machine ne fait qu’accompagner les décisions de l’opérateur.

A noter : en extension de ce dernier, il est également possible de parler de cobotique, où par pilotage ou utilisation d’un dispositif d’accompagnement des mouvements d’un opérateur, la machine va reproduire des opérations. Cela permet de décupler ou reproduire un geste réalisé par l’humain, à une cadence plus élevée ou en synchronisant plusieurs postes de travail (ex. : un opérateur pour une dizaine de bras automatisés). Ce dispositif est plus adapté aux chaînes de production ou de la préparation de commandes standardisées.

 

      3. Perspectives pour la logistique

Chacune de ces technologies a des avantages et des inconvénients. D’une part elles accompagnent les individus sur leurs postes de travail respectifs pour augmenter leurs capacités physiques ou intellectuelles, et de l’autre elles nécessitent des ajustements au processus de travail, une appropriation par les utilisateurs, qui peut parfois faire évoluer totalement le profil de ces derniers, selon leurs capacités à s’adapter aux technologies.

Il est difficile de collecter des statistiques exhaustives sur la généralisation de ces technologies dans les entreprises et principalement sur les sites logistiques spécialisés, mais les tendances à l’automatisation voire la robotisation sont grandissantes[1]. Le secteur transport et logistique est soumis à une tendance toujours croissante pour la rapidité d’exécution, la maîtrise des coûts et une traçabilité qui ne tolère pas les erreurs. Dans cette logique, c’est le maillon opérationnel le plus exposé avant le dernier kilomètre et la rencontre entre les produits et le consommateur final.

Plusieurs études démontrent et renforcent l’utilité de ces équipements pour accompagner le confort des opérateurs logistiques en soulageant la pénibilité de l’emploi pour tout ce qui concerne le port de charges. Il y a également des constats marquants de productivité permettant d’investir à moindre coût et préserver le personnel plutôt que d’envisager des solutions hautement mécanisées, plus coûteuses mais autonomes. Ces solutions sont ainsi très adaptées et flexibles pour tous les sites de taille intermédiaire.

Cependant, une réalité s’impose au secteur[2] : la pénurie de personnel sur ces profils d’opérateurs logistiques, entre manque d’attractivité du secteur, inadéquation des compétences ou caractéristiques du poste. Les dirigeants et responsables logistiques se retrouvent donc dans l’obligation de coupler technologies d’accompagnement du personnel et automatisation des processus, tels que l’utilisation de véhicules à guidage autonome, robots mobiles, etc.

Pour un secteur dont la force reste l’évolution de carrière, tous profils confondus, il faut être vigilant également aux conséquences des usages de ces technologies. Car personne n’aura oublié une enquête menée par l’équipe de Cash Investigation, qui a beaucoup fait parler, sur les effets négatifs que peuvent avoir certaines technologies mal employées ou non accompagnées par un management adapté. En effet l’utilisation de ces améliorations technologiques comme le voice picking ou la réalité augmentée peut aussi générer de l’isolement social, une déshumanisation de certaines opérations et avoir des incidences cognitives non négligeables.

Il s’agira alors pour les prestataires logistiques de garder un œil, et des équipes, tournées vers leur plus grande force de ces dernières décennies : le sens de l’équipe et la solidarité, en plus d’un management de proximité, qui connaît les conditions d’exercice pour faire alterner les opérations par exemple à ces équipes, etc.

 

Définitions

Wearable : signifie « portable » en français. Une technologie portable est un vêtement ou un accessoire comportant des éléments informatiques et électroniques avancés.

Objets connectés : ce sont des objets qui captent, stockent, traitent et transmettent des données, qui peuvent recevoir et donner des instructions et qui ont pour cela la capacité à se connecter à un réseau d’information. Ce réseau est appelé Internet des Objets ou Internet of Things (IoT).

Picking : le picking est l'opération qui consiste à prélever et rassembler des articles dans la quantité spécifiée par la préparation d’une commande, avant l'expédition de celle-ci.

 

Sources

 


[1] Source : Ministère de la transition écologique. Environ 3% des entrepôts logistiques français automatisaient (au moins partiellement) leurs processus en 2016. Un chiffre qui aurait au moins doublé depuis.

[2] Rapport OPTL 2022 : Observatoire Prospectif des métiers et des qualifications dans les Transports et la Logistique

Informations annexes au site